Pour les amateurs de peinture religieuse ou les gens curieux, direction Amiens et son musée, rénové et repensé pour un meilleur accueil du public, et qui propose un bijou d’exposition : Les Puys d’Amiens, chefs d’œuvre de la cathédrale Notre-Dame.
Autant le dire d’emblée, j’y allais un peu perplexe car ne suis pas une adepte de peinture religieuse au sens strict : j’aime les Pieta italiennes, notamment de Michel-Ange, les peintures de Cranach ou du Caravage… mais la peinture religieuse sans la « patte » d’un artiste me laisse parfois songeuse. Quelle ne fut donc pas ma surprise de découvrir, dans une scénographie d’un bleu soutenu reprenant l’architecture d’une cathédrale, une exposition d’une très grande beauté avec de véritables chefs d’œuvre…

Le musée de Picardie, pour célébrer le huitième centenaire de l’édification de la cathédrale d’Amiens, consacre une exposition à la confrérie Notre-Dame du Puy, attestée à Amiens, entre 1388 et la fin du XVIII° siècle. Chaque année, un grand tableau était commandé par la confrérie à un peintre pour être accroché dans la cathédrale. A l’occasion de la fête principale de la confrérie, le 2 février, jour de la Purification de la Vierge (notre Chandeleur actuelle), le maître élu pour l’année faisait connaître sa devise qui inspirait le peintre à qui était commandé un tableau. L’œuvre, exposée à la cathédrale le jour de Noël, y restait un an, avant d’être remplacée par la suivante. En 1723, les chanoines vidèrent la cathédrale et détruisirent les œuvres jugées d’une qualité moindre.

Cette particularité de la ville d’Amiens, loin d’être un sujet aride, a permis la création de chefs d’œuvre comme ces Dames – symboles des Vertus – martelant au sens propre du terme le Christ bébé pour en faire un être doté de toutes ces qualités. L’importance des portraits de groupe permet également de se faire une idée des modes et mœurs des différentes époques traversées, tout comme des caractéristiques physiques des Amiénois. Si les peintres sont pendant plusieurs siècles amiénois, d’autres comme le Maître d’Amiens, qui tire ce nom du Puy de 1518, était sans doute un peintre néerlandais passé par Anvers. Au XVII°s, les peintres sollicités par la confrérie viennent de Paris ou d’Anvers, comme Claude Vignon, Frans Francken le Jeune ou Frère Luc.

L’exposition permet également de découvrir les cadres magnifiques de certains tableaux, véritable dentelle de bois comme ceux des Puys des années 1518 ; 1519; 1520; 1521 et 1525 dont les cadres en chêne sculpté peuvent atteindre 3,83m pour le plus haut d’entre eux. Proches des stalles dans leur répertoire ornemental comme dans leur conception, ils furent très appréciés de la duchesse de Berry, qui les exposa dans son château de Rosny au XIX°s puis dans son palais vénitien durant son exil.
Une exposition à compléter par une visite de la cathédrale où un livret vous permet de resituer les Puy dans leur lieu d’origine, et d’une visite des Hortillonnages, dont je vous ai parlé ici et là et qui apportent une note bucolique et contemporaine à cette échappée picarde.
Anne-Laure FAUBERT
Musée de Picardie – Jusqu’au 10 octobre 2021