Première, lundi 30 juin 2014 – Opéra Bastille – Ballet en 2 actes et 13 tableaux d’après de le roman de Victor Hugo, chorégraphie de Roland Petit (1965), musique de Maurice Jarre, décors d’après René Allio, costumes d’Yves Saint-Laurent – direction musicale : Kevin Rhodes – orchestre national d’Ile de France, chœurs enregistrés.
Nul besoin d’avoir lu le roman en entier, une comédie musicale du même nom l’a popularisé à la fin des années 1990, tout comme un dessin animé de Walt Disney, Le Bossu de Notre Dame.
Dans Notre Dame se joue à la fois la volonté de possession de 2 hommes, l’amour d’un être difforme pour une femme, Esmeralda, et la lutte entre le Bien et le Mal, ce-dernier étant incarné par… l’homme d’église Frollo (magistral Josua Hoffalt). C’est un ballet fort, qui évolue entre le sublime des pas de deux de Quasimodo et Esmeralda et le grotesque avec ces femmes échevelées à la poitrine énorme. Une conception chère à Victor Hugo…
Tout commence par une fête des Fous haute en couleurs où les nobles en costumes clairs sont remplacés par une foule très – trop ? – colorée bondissant et occupant tout le plateau de Bastille. Une très belle scène de groupe qui reprend bien l’idée des fêtes moyenâgeuses… Une jeune gitane s’en détache. Il s’agit de la belle Esmeralda, en tunique blanche. Je m’attendais à une femme aguicheuse. Eleonora Abbagnato campe plutôt une jeune danseuse normale, libre et amoureuse d’un homme volage. Une jeune fille sur laquelle va s’abattre le désir de 3 hommes. Une jeune fille d’aujourd’hui en somme…
Survient alors un homme d’église, aux portes de Notre-Dame – dont l’architecture est davantage impressionniste que réaliste – tout de noir vêtu, les yeux peints en noir. Seule une croix sur la poitrine permet de l’identifier. Il en impose aux foules mais s’intéresse un peu trop à cette gitane, tout comme Quasimodo, magnifique Nicolas Le Riche, qui désire cette femme pour lui inaccessible.
Sommé par Frollo de ramener Esmeralda, Quasimodo se retrouve dans la cour des miracles peuplée d’êtres difformes dans une atmosphère rougie qui rappelle les portes de l’enfer. Une chorégraphie qui a su rendre à merveille le côté claudiquant des personnages. Esmeralda est amoureuse de Phoebus (Florian Magneret), dont les gardes maltraitent Quasimodo et le laissent pour mort, celui-ci semble davantage préoccupé par la possession charnelle, comme le montre son comportement avec les femmes opulentes de la taverne. Phoebus assommé par Frollo, voici Esmeralda condamnée au gibet par ce même homme d’église censé prôner le partage et le don de soi… Notre Dame de Paris pourrait être, par certains égards, le pendant du Jeune homme et la mort du même chorégraphe : ambiance mortifère, présence du gibet dès la fin de l’acte I, injonction à se pendre. La mort, personnage féminin, étant remplacée ici par Frollo, véritable Antéchrist aidé de son armée de damnés…
Le début de l’acte II livre le plus beau passage de l’œuvre: un magnifique pas de deux entre Quasimodo et Esmeralda où le désir du premier est palpable, mais transformé en amour paternel quand il la berce avant qu’elle ne s’endorme. Un instant de grâce dans ce monde cruel avant que les suppôts de Frollo, tout de noir vêtus, à la blancheur cadavérique et aux yeux peints en noir, n’interviennent. Esmeralda meurt pendue et le meurtre de Frollo par Quasimodo n’y change rien… Victime de l’attirance qu’elle a provoquée chez Frollo, elle symbolise les violences faites aux femmes. Un ballet hélas intemporel sur ce point.
Notre Dame est un ballet où décors, costumes, musique et chorégraphie vont très bien ensemble. Ils dénoncent cette mainmise de l’église sur le peuple, alors même que ses représentants sont odieux. Le côté sataniste de Frollo et de ses sbires m’a profondément dérangée. L’utilisation des couleurs montre un changement dans le statut d’Esmeralda : de la jeune fille en tunique blanche, elle devient la condamnée drapée de noir avant de mourir en violet, couleur du deuil, de la mélancolie et de la solitude.
Côté chorégraphie, elle aurait gagné à être davantage ramassée, avec moins de scènes de groupe. Roland Petit reste en cela très classique.
La star de la soirée reste incontestablement Nicolas Le Riche qui sublime le personnage de Quasimodo.
plus de grotesque que de sublime … 😦
Ah je vois que cela ne t’a pas plu…