Claudel. Un nom qui évoque deux artistes frère et soeur: Camille, la sculptrice géniale, modèle et maîtresse d’Auguste Rodin et Paul, diplomate brillant et écrivain, auteur de L’Annonce faite à Marie, Le soulier de satin et La jeune fille Violaine. Deux artistes aux destinées diamétralement opposées: la première est internée de 1913 à sa mort en 1943. Le second connait les fastes d’une carrière diplomatique dont Camille fut un précieux atout à ses débuts, grâce à ses relations, et la reconnaissance de ses écrits.

A l’occasion des 150 ans de la naissance de l’écrivain, l’exposition « Camille Claudel et Paul Claudel le rêve et la vie » que leur consacre le musée Camille Claudel à Nogent sur Seine, montre les liens étroits qui les unissaient et nous dévoile le magnifique portrait au pastel de Louise, leur sœur (1866 – 1935) au destin moins romanesque.

Le titre choisi par le musée « Le rêve et la vie » nous rappelle le livre de Gérard de Nerval, Aurélia ou le rêve et la vie, écrit en 1855, pour essayer de décrire son état d’esprit quand il était en proie à ses crises de folie. Une expression qui nous renvoie à la vie tragique de Camille Claudel et nous interroge sur la vie des deux artistes, Paul et Camille.

La scénographie et l’exposition font le choix de la sobriété et insistent sur les liens affectueux qui se tissent dès leur enfance, en partie passée à Nogent sur Seine et l’importance de leur précepteur M. Collin, avant leur départ pour Paris où Paul Claudel intègre Louis le Grand et Camille Claudel s’inscrit à l’académie Colarossi. Elle modèle alors un magnifique buste de son frère en Jeune Romain.
Les liens entre Camille Claudel, Auguste Rodin et Paul Claudel sont également évoqués. Le sculpteur écrit en effet à la demande de Camille Claudel une lettre de recommandation pour le concours des Affaires Etrangères de Paul Claudel. Après la séparation des deux amants, Paul Claudel se montre critique envers les œuvres d’Auguste Rodin qu’il compare aux sculptures de sa sœur.

Le visiteur peut se faire sa propre idée sur les sculptures des deux artistes puisque certaines sont exposées côte à côte. J’ai personnellement une préférence pour celles de Camille, plus fines, sensibles, terribles parfois comme L’Age mûr qui relate l’abandon de Rodin, ou mélancolique. Sans cautionner les critiques acerbes de Paul Claudel qui parle du Baiser comme « un homme attablé à une femme », la personnalité « minotaure » de Rodin me dérange, tout comme celle de Picasso qui à sa façon « vampirisait » ses compagnes.

L’exposition ne passe pas sous silence l’internement de Camille Claudel avec les documents d’époque. Il nous est permis toutefois de nous interroger sur la durée de l’internement. Certes Paul Claudel rend visite 13 fois à sa sœur en 30 ans lors de ses retours en France, mais une solution moins dure n’aurait elle pas pu être trouvée? Qu’aurions nous fait à sa place? Cette exposition à l’atmosphère mélancolique nous invite également en filigrane à réfléchir à nos propres rapports familiaux…
Anne-Laure FAUBERT