J’avoue avoir été déçue par la rétrospective que consacre le Grand Palais à Joan Miro (1893-1983) jusqu’au 4 février 2019. Et pourtant j’avais été profondément touchée par ses œuvres sur l’enfermement à Barcelone, vues en 2005 et qui restent encore aujourd’hui un de mes chocs artistiques majeurs, et ces célèbres tableaux bleus, qui apaisent, évoquent pour certains la matrice originelle, l’eau de la vie…
Alors pourquoi ai-je trouvé que la boutique était presque plus intéressante que l’exposition ?

Peut-être est-ce en raison de l’abondance des œuvres – une rétrospective vise à représenter l’intégralité du parcours d’un artiste et personnellement j’en aurais bien enlevé pour me concentrer sur l’essentiel – et j’avoue que ses débuts, dans un fauvisme mal digéré, ne m’ont pas séduite. Pas plus que la scénographie dépouillée certes, mais surtout très froide. Si l’on en croit le commissaire de l’exposition Jean-Louis Prat, Miro n’est pas un artiste facile, il demande notre attention et les découvertes se font dans les détails. Miro déclare en 1926 : « je veux assassiner la peinture », c’est-à-dire ne pas être prisonnier des conventions, et cela se traduit notamment dans ses œuvres des années 1930, lorsque ses peintures dites « sauvages » illustrent sa lutte contre la montée du fascisme.

Près de 150 œuvres sont réunies, des prêts provenant de grands musées internationaux, européens et américains, ainsi que de grandes collections particulières, mettent l’accent sur les périodes charnières de Miro. Peintures, dessins, céramiques, sculptures, livres illustrés… mettent en lumière l’itinéraire de l’artiste. Cette rétrospective est l’occasion de se remémorer les trois éléments essentiels du symbolisme de Miro : la femme en référence au lien qui unit les êtres humains à la terre, l’oiseau et l’étoile évocation du poétique et du spirituel.

A défaut de séduire, cette rétrospective permet de s’instruire. On découvre ainsi les premiers pas, ses périodes fauve, cubiste et détailliste, suivie de l’époque surréaliste où Miro invente un monde poétique, non exploré jusqu’alors dans la peinture du XX° siècle. De magnifiques tableaux s’offrent alors à votre vue, parmi d’autres moins convaincants. Qu’est ce qu’un chef d’œuvre, une œuvre d’art, sont les questions qui m’ont taraudée pendant la visite. Est-ce uniquement le goût subjectif de chacun qui fait d’une œuvre un chef d’œuvre, la reconnaissance par les pairs, ou un ensemble de facteurs culturels et sociaux ? Des questionnements qui entrent en résonnance avec ceux de l’artiste, dans un autre registre, puisque la période surréaliste de Miro est aussi l’occasion de découvrir ses interrogations, sa palette de couleurs au service d’un vocabulaire de formes nouvelles. Ni totalement abstrait, ni complètement figuratif mais poétique, l’artiste nous emmène dans son monde intérieur, et libre à nous d’y adhérer ou non… « Il me faut un point de départ, déclare-t-il, ne serait-ce qu’un grain de poussière ou un éclat de lumière. Cette forme me procure une série de choses, une chose faisant naître une autre chose. Ainsi un bout de fil peut-il me déclencher un monde ».

Cette exposition permet également de se replonger dans les fameux bleus évoqués ci-dessus : Bleu I, Bleu II et Bleu III, premières œuvres monumentales créées en 1961 dans le grand atelier de Palma de Majorque et dont les sources remontent à 1925. Ces Bleus représentent pour l’artiste la synthèse et l’aboutissement de toutes ses expériences.
Il n’empêche, le choc esthétique ne se produit que rarement dans cette exposition.
Anne-Laure FAUBERT
Grand Palais – Galeries nationales – Jusqu’au 4 février 2019