L’exposition sur Les lieux saints partagés du musée de l’histoire de l’immigration marque les esprits, tant par sa scénographie sombre et intimiste qui nous dévoile progressivement les difficultés de coexistence sur ces lieux saints, que par le choix des œuvres. Ce sujet, grave au XXI°s qui, selon André Malraux, verra probablement « un événement spirituel à l’échelle planétaire » fait écho à une autre exposition parisienne, celle sur Les Chrétiens d’Orient à l’Institut du Monde arabe.

Cette exposition présentée en 2015 au MUCEM a fait l’objet d’une réécriture afin d’élargir le propos à l’Europe. On y constate en effet depuis une quinzaine d’années une réapparition des identités religieuses dans l’espace et le débat publics qui ne va pas sans poser problème dans des démocraties fondées sur une séparation franche entre les sphères politiques et religieuses et où la sécularisation des mœurs a fait oublier les difficultés de coexistence.
La question des identités religieuses est l’une des plus sensibles du XXI°s alors que depuis les origines, les trois religions monothéistes (Judaïsme, Christianisme et Islam) partagent des croyances, valeurs, rites mais également des figures tutélaires et des sanctuaires.
L’exposition nous permet tout d’abord de redécouvrir une « Terre sainte saturée de sens ». Berceau des monothéistes, la Terre sainte accueille notamment les villes de Jérusalem, trois fois saintes et Hébron, liée à Abraham considéré comme le premier pèlerin par les traditions monothéistes. S’y révèlent deux attitudes différentes: le partage du lieu ou la partition. Ainsi à Hébron, la chênaie de Mambré – qui d’après la Bible est le lieu de rencontre d’Abraham avec les trois anges et symbolise l’hospitalité, porte encore cette tradition alors que Le caveau des Patriarches – où auraient été inhumés Abraham, Sarah et leur descendance, est en revanche un lieu de partition sans échange: l’intérieur y est physiquement divisé avec d’un côté un espace pour les Juifs et de l’autre un espace pour les Musulmans.

Jérusalem est à cet égard emblématique. Cité fondatrice où fut bâti le premier temple par le roi Salomon, elle est également la ville de la mort et de la résurrection du Christ ainsi que le départ pour le « voyage céleste » du prophète Mohamed, ce qui en fait la troisième ville sainte de l’Islam après La Mecque et Médine. Un lieu saint partagé source de nombreuses tensions et de partition.
La majeure partie de l’exposition est ensuite consacrée à la coexistence entre le Christianisme et l’Islam, avant de revenir à la fin sur le Judaïsme.

On y apprend ainsi que des cultes catholiques implantés au Maghreb lors de la colonisation ont généré des croisements interreligieux encore actuels et que des lieux comme Notre-Dame d’Afrique à Alger, Notre Dame de Santa Cruz à Oran ou Notre Dame de la Garde à Marseille et Nîmes sont devenus des lieux multiconfessionnels. Mère du fils de Dieu pour les Chrétiens et du prophète Jésus pour les musulmans, Marie ou Maryam est vénérée par les fidèles des deux religions.
Saint Georges est également prié par les Chrétiens et les musulmans et le poisson, symbole du Christ « Ichtus » pour les Chrétiens, s’avère aussi un motif prophylactique répandu en Afrique du Nord, « houta », censé favoriser la fertilité et faciliter l’accouchement.

L’exposition se conclut en présentant une maquette inédite du projet House of one qui accueillera à Berlin une synagogue, une église et une mosquée au même endroit. Une œuvre des architectes Kuehn et Malvelzzi.

Une exposition documentée et riche de sens qui invite aussi tout un chacun, quelque soit sa religion (ou non religion) à s’interroger sur l’accueil qu’il fait à l’autre.
Anne-Laure FAUBERT
A découvrir jusqu’au 21 janvier 2018 au Palais de la Porte dorée – musée de l’histoire de l’immigration