Pour la première fois en France, le musée d’art et d’histoire du Judaïsme consacre une exposition à Helena Rubinstein (1872-1965) fondatrice de la marque de beauté éponyme. Plus de 300 documents – photos, objets, vêtements, gravures, ouvrages, robes magnifiques et tableaux de sa collection – retracent le parcours de « l’impératrice de la beauté » comme l’appelait Jean Cocteau.

Née à Cracovie dans une modeste famille juive orthodoxe, de son vrai prénom Chaje ou Chaja, Helena est l’aînée de 8 filles qu’elle placera ensuite à la tête de ses salons de beauté. C’est de sa mère, qui leur recouvre le visage l’hiver d’une crème pour les protéger du froid, qu’Helena Rubinstein tient son intérêt pour la beauté. Femme de caractère, elle refuse les mariages arrangés, part d’abord à Vienne chez sa tante Helena puis en Australie, chez des oncles, seule et âgée de 24 ans. C’est lors de cette traversée qu’elle change son identité en Helena Rubinstein.

L’exposition Helena Rubinstein. L’aventure de la beauté retrace les étapes de sa vie dans les villes qui l’ont marquée : Cracovie, Vienne, Melbourne, Londres, Paris, New York et Tel Aviv. Self made woman – contrairement à Chanel elle ne doit rien à ses amants – héroïne nationale en Australie, elle se caractérise par une capacité de travail importante et un sens de la mise en scène et du marketing. Elle est la première à classer la peau en 3 catégories et à soumettre les crèmes de beauté à des tests rigoureux. Ayant pour rivale Elisabeth Arden, Helena Rubinstein considère la beauté comme un nouveau pouvoir pour les femmes tout en déclarant : « Le travail a toujours été mon meilleur soin de beauté. Je crois au travail acharné qui chasse les rides de l’âme et de l’esprit. »
A travers cette exposition se dévoile une femme indocile, collectionneuse en nombre aussi bien d’arts premiers, d’opalines, de robes ou de mobilier. Elle est amoureuse tout en étant absente – son premier mari Edward William Titus la trompe tout en l’aidant à modeler son image pour les médias et rédigeant les notices de ses crèmes de beauté et les publicités pour la marque dont il accompagne le développement, le second Artchil Gourielli-Tchkonia a 23 ans de moins qu’elle. Il existe à son époque peu de femmes collectionneuses comme Peggy Guggenheim, Gertrude Stein ou elle-même. En 1908 elle décide de conquérir l’Europe et ouvre son premier salon de beauté à Londres, dans le quartier huppé de Mayfair. Elle acquiert les codes de la gentry et apprend à tenir salon.

La seconde guerre mondiale la marque – elle perd sa sœur Regina à Auschwitz, et, alors qu’elle vit à New York, son hôtel particulier de l’île Saint Louis, son salon de beauté à Paris et sa maison sont saccagés. La scénographie simple, aux couleurs sépia, évoque avec douceur cette partie difficile de sa vie, et nous dévoile également quelques magnifiques robes lui ayant appartenu.
L’exposition Helena Rubinstein. L’aventure de la beauté se tenant dans le musée d’art et d’histoire du Judaïsme, la dernière salle retrace ses relations avec le jeune Etat d’Israël où vit une de ses nièces, et le financement d’un musée dont l’architecture la déçoit toutefois.
Une exposition qui ravira aussi bien les personnes qui s’intéressent aux role models féminins, à la culture ashkénaze et aux créations d’empires commerciaux qu’aux amateurs d’art moderne – magnifiques portraits de la créatrice par la peintre polonaise Sonia Lipska…
Anne-Laure FAUBERT
Jusqu’au 25 août 2019