Première rétrospective consacrée au peintre tchèque depuis celle de 1975-76 au Guggenheim, l’exposition Kupka: pionnier de l’abstraction permet au public de découvrir un artiste qu’il connaît parfois de nom sans forcément l’identifier

Né en 1871 à Opočno en Bohême orientale (ancien empire d’Autriche Hongrie) et décédé le 24 juin 1957 à Puteaux dans les Hauts-de-Seine, Kupka a eu un parcours européen: Bohême natale, formation à Vienne et dans le Paris des avant gardes…
Dans un parcours à la fois chronologique et thématique, cette exposition rassemble plus de 300 œuvres – peintures, dessins, gravures, manuscrits…- et conduit à une nouvelle approche de deux courants majeurs des XIX° et XX° siècles, le symbolisme et l’abstraction, dont Kupka fut l’un des principaux acteurs avec Piet Mondrian ou Robert Delaunay.
La rétrospective met en lumière les moments clés de la création de Kupka: les œuvres symbolistes, les premiers portraits expressionnistes parisiens, le passage à l’abstraction en 1912, l’abstraction géométrique finale tout en évoquant des épisodes moins connus comme la période « machiniste » des années 1920.
On découvre au fur et à mesure de la rétrospective son goût prononcé pour les découvertes archéologiques, le rôle de l’éducation pour lui et sa croyance dans le progrès.
Lorsqu’il s’installe à Paris, dans un quartier populaire, il peint alors les « mecs », la prostitution de façon frontale, selon sa vision de la modernité, comme la série sur le rouge à lèvres, apanage à l’époque de ces femmes.

Dans ces peintures ci-dessous, Portrait de famille et La petite fille au ballon, il traite la forme et le volume par la couleur, et la petite fille Eugénie est représentée nue, dans un idéal naturiste. De même, dans le Grand nu, si la pose est classique, le volume est entièrement traité par la couleur et le fond par des aplats de couleurs.
En 1911, plusieurs mouvements artistiques se concurrencent: cubisme, futurisme… et cherchent parfois à imiter la photographie et le cinéma pour représenter le mouvement.
La philosophie de Bergson popularise par ailleurs la notion d’espace temps et la conscience de l’homme moderne de la mobilité de l’espace, du tout petit et de l’immensité.

Lorsque Kupka créé ses premières œuvres abstraites il est taxé par la critique de « virer au « sphérisme ». Selon Apollinaire il invente le « cubisme orphique ». En effet le cubisme de Braque est statique alors que celui de Delaunay et Kupka est dynamique.

On retrouve aussi dans les œuvres de l’artiste l’influence des idées sur les propriétés psychiques de la couleur, et dont je vous avais parlé l’an dernier lors de l’exposition à Montbéliard sur le peintre Valensi.
Mais laissons le dernier mot à Kupka pour cette sublime exposition que l’on souhaite voir et revoir… « Ma peinture, abstraite ? Pourquoi ? La peinture est concrète : couleur, formes, dynamiques. Ce qui compte, c’est l’invention. On doit inventer et puis construire.»
Grand Palais – Jusqu’ au 30 juillet 2018
Anne-Laure FAUBERT