Direction Montbéliard, l’exposition sur le peintre Henry Valensi et son château des ducs de Wurtemberg!

La région de Franche Comté (aujourd’hui fusionnée avec la Bourgogne) est une région touristique attachante que j’avais découverte en 2010 lors d’un déplacement professionnel. Je vous propose un zoom sur Montbéliard et son exposition temporaire Henry Valensi, la musique des couleurs.
Le château des ducs de Wurtemberg est lié à l’histoire de la famille Montbéliard Wurtemberg qui régnait sur la principauté avant le rattachement à la France en 1793. De ce château il ne reste que l’extérieur, l’intérieur ayant été transformé en musée. Le site gallo romain situé à 12 km de Montbéliard est à l’origine de la collection du musée qui s’est agrandie ensuite jusqu’à compter à partir des années 1970 des œuvres d’art contemporain.
Du 15 avril au 17 septembre 2017 ce musée accueille la rétrospective Henry Valensi, la musique des couleurs (1883-1960) consacrée à ce peintre de la modernité aux confins de l’orphisme et du futurisme, chef de file du mouvement musicaliste. C’est en compagnie de la directrice du musée et commissaire de l’exposition, puis du neveu de l’artiste, que j’ai pu la découvrir.
Deuxième rétrospective depuis 1963 elle présente les multiples facettes de cet artiste : peintre, illustrateur, grand voyageur, penseur éclairé, théoricien et conférencier. Elle regroupe une centaine d’œuvres provenant notamment des musées de Grenoble, Carcassonne, Pompidou, des galeries de Trigano et du Minotaure à Paris et de nombreuses collections privées.
Né dans une famille juive à Alger, Henry Valensi déménage avec elle en 1898 à Paris à la suite des conséquences de l’affaire Dreyfus et de l’antisémitisme montant. On retrouve dans son œuvre des caractéristiques propres : une figure humaine peu présente et parfois bien difficile à distinguer, de nombreux paysages, une obsession pour le voyage et un questionnement social sous-jacent. La lumière est essentielle dans sa peinture. Il travaille la touche par rayonnement vers le centre du tableau. Sa peinture passe progressivement du post impressionnisme à l’abstraction et se situe alors au croisement entre le cubisme et le futurisme. En 1909 il effectue un grand tour d’Europe jusqu’à Moscou et Constantinople. La même année il réalise sa première exposition à Vichy. Il est par ailleurs le seul artiste français invité à Moscou par Natalia Gontcharova et Michel Larionov sur le rayonnisme et l’avant gardisme russe.
Il épouse par ailleurs son élève Yvonne qui décède en 1953.
Dans son tableau sur Sainte Sophie les ondes apparaissent, ainsi que sa théorie sur la prédominance des Arts : de l’Antiquité au Moyen Âge la matière s’allège progressivement et l’art s’intellectualise. A chaque siècle un art domine les autres ; au XX°s c’est la musique.
Dans le tableau, très pop, Le mariage des palmiers (1921) il introduit une symbolique des couleurs qu’il développe par la suite : la lune c’est le bleu, le calme, la féminité et le rouge le soleil, la force et la virilité.
C’est la première fois qu’il attribue des symboles aux couleurs. Ainsi, à partir de 1932, il s’intéresse au musicalisme et peint la symphonie des 4 saisons puis la symphonie des couleurs : symphonie en rose, en rouge…
Cette psychologie des couleurs dote le rouge des caractéristiques de la vitesse, de la force et de la révolution (dans la droite ligne des révolutions du XIX°s et de la révolution russe); le jaune de la richesse, du don et de l’amitié élevée au rang du bonheur. Ses toiles sont construites en 3 ou 4 mouvements, eux-mêmes subdivises comme de véritables symphonies.
On songe alors à Goethe à son Traité des couleurs publié après vingt ans de recherches sur la couleur (de 1790 à 1823). C’est d’ailleurs l’une des faiblesses de l’exposition : ne pas avoir assez replacé Henry Valensi dans son époque et dans les questionnements de l’histoire de l’art.
Un tableau m’a particulièrement frappée, le Voyage en chemin de fer (1927).
En y regardant de plus près on y décèle une critique sociale: les personnes de première classe sont mieux installées que celles de la troisième, espace cacophonique et l’où ne voit pas des êtres humains mais des formes. Les personnes de 1° classe sont plus rondes et présentes du début à fin alors que dans la 2° classe les personnes sont représentées au début puis absentes; dans la 3° classe la figure humaine est inexistante.
Les amateurs de Walt Disney y apprendront qu’il avait visité des expositions musicalistes dans les années 1930 et que lorsque sort Fantasia, les musicalistes crient au plagiat car 7 tableaux musicalistes apparaitraient dans Fantasia.
Pour ceux qui aimeraient découvrir l’autre musée de la ville, le musée d’art et d’histoire – hôtel Beurnier Rossel, il est installé dans un hôtel de la fin du XVIII°s.
Il expose des mobiliers bourgeois du XVIII°s, de l’artisanat – imprimerie, enseignes, coiffes – la collection originale de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert et une très belle collection de boites à musique. Un partenariat avec l’école de musique permet en outre de proposer des salons musicaux du XVIII°s dans un cadre adéquat.
Pour ceux qui s’intéressent aux fossiles, l’exposition temporaire sur les fossiles leur permettra de découvrir ces « restes d’être vivant minéralisé » et d’y apprendre pèle mêle que Bernard Palissy découvrit que ce qu’on appelait œuf de serpent était en fait un oursin, les cornes de licornes étaient en réalité des défenses de mammouth, les ossements de géants des fémurs d’éléphants et les dents de géants des molaires de mammouth… A garder dans le coin de sa tête pour étonner ses enfants ou les convives dans les dîners en ville. ; )
Enfin pour terminer cette escapade à Montbéliard, même pour les non adeptes de charcuterie, cette ville reste associée à sa saucisse.
Si vous souhaitez filer la métaphore culturelle jusqu’au bout, direction le restaurant Les bains douches où dans un décor Art déco vous dégusterez dans les anciens bains douches de la ville un fromage frit ou une saucisse de Montbéliard accompagnée d’un fromage liquide, la cancoillotte.
Sinon vous pouvez faire comme moi, en acheter dans une boucherie (nature et au cumin) et en ramener pour le plus grand bonheur de vos proches!