Berthe Morisot et le XVIII°siècle, entre filiation artistique et modernité.

Le musée Marmottan Monet présente jusqu’au 3 mars 2024 une exposition inédite : « Berthe Morisot et l’art du XVIIIe siècle » que j’ai particulièrement appréciée, tant par le propos que par la finesse des œuvres choisies et la scénographie

Soixante-cinq œuvres provenant de musées français et étrangers ainsi que de collections particulières ont ainsi été réunies pour la première fois pour mettre en lumière les liens entre l’œuvre de Berthe Morisot (1841-1895), première femme impressionniste, et l’art d’Antoine Watteau (1684-1721), François Boucher (1703-1770), Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) ou encore Jean-Baptiste Perronneau (1715-1783).

S’il est démontré que Berthe Morisot n’était pas l’arrière-petite-nièce de Fragonard et n’entretenait aucun lien de parenté avec ce dernier, il y avait de sa part un grand intérêt et des affinités artistiques pour la peinture du XVIII° siècle. L’art de vivre à la française du siècle des Lumières est en effet très présent dans le milieu de la Haute bourgeoisie dont est issue Berthe Morisot. Par ailleurs, un portrait en pied du préfet Tiburce Morisot (1848, musée des beaux-arts Limoges), le père de l’artiste, posant devant une galerie de peintures rappelle son rôle dans la création des musées de Limoges, musée des beaux-arts où furent réunies des œuvres du siècle précédent, et musée Adrien Dubouché. Lorsque, dans les années 1860, Berthe Morisot débute, la peinture du XVIII°s est réhabilitée et le musée du Louvre voit un ensemble d’œuvres, connu sous le nom de legs La Caze, entrer dans ses collections.

L’exposition permet également de découvrir le tableau Vénus va demander ses armes à Vulcain, copie d’après François Boucher exécutée par Berthe Morisot au musée du Louvre afin de décorer son salon-atelier. Ce fut la seule œuvre peinte par l’artiste qu’elle accrocha chez elle. On retrouve chez Boucher et Morisot des couleurs claires et une conception commune de la beauté au féminin.

En 1885, la première exposition de la Société des Pastellistes français, axée notamment sur le XVIIIe siècle, marque un tournant dans la pratique de Berthe Morisot. L’artiste systématise alors le recours au pastel dans ses œuvres préparatoires pour établir ses harmonies colorées, révélant un lien très fort et visible avec ses peintures sur toile. On retrouve dans ses œuvres le goût de l’esquisse et les reflets colorés des peintres du XVIII°siècle, nous invitant à les regarder d’un œil différent.

Berthe Morisot ne copie donc pas les peintres du XVIII°s mais s’inscrit dans leur filiation artistique en en composant un maillon moderne au XIX°siècle.

Anne-Laure FAUBERT

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