« L’espace est silence »… Cette expression d’Henri Michaux exprime ce que l’œuvre de l’artiste chinois Zao Wou Ki (1920-2013), naturalisé français par André Malraux, lui a inspiré. Et c’est en effet le silence qui se fait devant ces grandes toiles semi-abstraites.
Zao Wou Ki est l’un de mes peintres préférés car ses tableaux – il n’aimait pas le mot paysage pour les désigner – m’apaisent, tout en m’invitant à l’introspection. Ses œuvres ont une dimension transcendante forte, tant par les couleurs et les (grands) formats choisis que par les thèmes qui se dévoilent à qui veut bien les voir.

Zao Wou Ki est un artiste au croisement de trois mondes, la Chine qu’il quitte en 1948, la France et les Etats-Unis. Il appartient à la scène parisienne qu’il apprécie tout en percevant la vitalité de la peinture américaine. Familier des grands artistes de son temps comme Pierre Soulages ou René Char, Zao Wou Ki symbolise une synthèse réussie entre la civilisation européenne et asiatique. En effet on retrouve dans son Art quelques caractéristiques de la culture chinoise comme le lien avec la nature, l’utilisation de l’encre de Chine…

J’avais eu la chance de visiter la sublime exposition La quête du silence en 2004 au musée Fabre de Montpellier… Celle présentée par le Musée d’art moderne est bien plus petite et ne reprend qu’une partie de son œuvre, loin de la rétrospective de 2003 au musée du Jeu de Paume à Paris.
L’exposition souhaite en renouveler la lecture et invite à une réflexion sur le grand format. Elle débute avec la Traversée des apparences (1956) étape décisive où le peintre adopte une expression nouvelle « abstraite », mot qu’il n’aimait guère. Ce n’est qu’au moment où sa peinture s’écarte de toute volonté représentative que les grands formats s’imposent réellement dans son œuvre.

Les années 1954-1966 s’avèrent des années de mutation où les pictogrammes hérités de la culture chinoise disparaissent progressivement. La seconde salle aborde les années 1970 placées sous le signe de la perte de la deuxième femme alors que la troisième salle, des années 1980 au milieu des années 2000 montre les variations auxquelles s’essaie l’artiste. La possibilité de peindre de très grands formats dans son atelier du Loiret donne naissance à des toiles de toute beauté, où « abstraction » et présence de la nature se confrontent.
Mais laissons le mot de la fin au directeur de Fabrice HERGOTT, directeur du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris: « Notre regard habitué à davantage de brutalité – une brutalité que le regard prend pour de la franchise – ne se rend compte que progressivement que ces élégants lacis de formes et de couleurs ont une redoutable structure qui se déploie dans l’espace du tableau avec une surprenante aisance. Les grandes œuvres sont des énigmes. […] Il y a dans les œuvres de Zao Wou-Ki une unité dans la composition qui en fait autre chose qu’un art informel. »
Anne-Laure FAUBERT