Hervé Boudon fascine par sa vivacité, son œil de lynx qui, dès le premier regard sait quelle coiffure vous mettra en valeur, et son talent. Sous son casque de cheveux bouclés se cache un maître de la beauté. Né dans une famille de coiffeurs et de couturiers, passionné d’art, il dirige de 1970 à 2014 le salon de coiffure parisien Hervé Boudon, créé à partir du salon de coiffure familial.
Coiffeur créateur, le dessin faisant partie intégrante de son travail de coiffeur puisqu’il dessinait toujours un croquis avant de coiffer une femme – il réalise également des illustrations de livres, des scénarisations de films et des dessins de bijoux pour la joaillerie. Il a participé tout au long de sa carrière à de nombreuses expositions, parmi lesquelles Miroir, Miroir… La main guidée par l’idée au musée Galliera en 2003, à des manifestations comme Legend – Cirque d’hiver en 1984, L’lnde de nos rêves à Bruxelles en 1991 ou encore Les jeudis de la Villa, à Rome, villa Médicis, en 2016. Son travail a été récompensé par de nombreux prix comme le prix CACF à Bologne en 1996, le Beauty World Master Award à New York pour le meilleur artisan coiffeur français en 1997 et la médaille d’or des Arts, Sciences et Lettres en 2003.

Depuis le 15 avril, et jusqu’au 27 mai 2018, à Kalamata, en Grèce, se tient son exposition Une histoire de la coiffure issue du livre éponyme publié en 2016. “Ce n’est pas une histoire de la coiffure, c’est mon regard sur cette histoire, partielle et donc partiale » précise-t-il cependant. Mais quelle histoire ! On décèle dans les dessins un parti pris esthétique certain, combiné à une reconstitution historique des coiffures. Mes préférées sont celle d’un portrait du Fayoum, par sa douceur, son esthétique et sa reprise des codes des fameux portraits, et celui d’Aliénor d’Aquitaine.

“J’ai essayé d’être le plus fidèle possible – sans vouloir recréer leurs visages ou leurs attitudes dans la reproduction des coiffures. J’ai choisi celles qui pour moi sont les plus fortes, les plus sensuelles, les plus significatives et je n’ai pas voulu viser à l’exhaustivité, d’autres l’ont fait avant moi.”
Débutant par l’Egypte ancienne, période qu’Hervé Boudon résume par deux mots « charme » et « grâce » avec les portraits de la reine Cléopâtre témoin de la passion des Egyptiens pour l’Art de la coiffure, l’exposition se poursuit avec l’Antiquité grecque et romaine. La Grèce est primordiale pour cet art puisque les coiffeurs, encore de nos jours, s’inspirent de cette période pour leurs propres créations. A Rome, le grandiose est mis en avant, les femmes prennent grand soin de leurs coiffures dans une époque placée sous une couleur emblématique : le pourpre. Des salons de coiffure où chaque artisan a sa propre spécialité apparaissent. Après Byzance et son influence orientale, l’artiste nous emmène au Moyen-Âge et ses coiffes surprenantes avec un portrait majestueux de la reine Aliénor d’Aquitaine où elle est représentée avec des cheveux longs ondulés artificiellement retenus par une « barbette » et un « touret ». On apprend également que c’est sous le règne de Louis XIII, entre 1610 et 1643, que pour la première fois un coiffeur, nommé Champagne, entre dans l’Histoire.
Défilent ensuite la Renaissance et ses coiffures influencées par les Italiens, pour la plupart tressées avec des perles et retenues par des résilles transparentes torsadées ; le Baroque et ses coiffures à la hurluberlu – du Français hurelu qui signifie “ébouriffé” et du mot berlu qui veut dire “excentrique” – mises en avant par la célèbre coiffeuse La Martin au XVIème siècle. Pendant la Régence, un ressenti de l’influence orientale avant que la période du Rococo n’annonce des coiffures bouclées et poudrées à frimas s’enlacent autour du visage, accompagnées d’accessoires, de fleurs et des bonnets de dentelle.
Sous le règne de Marie-Antoinette, la mode gagne ses lettres de noblesse et deux coiffeurs s’illustrent : Larseneur, coiffeur des coiffeurs puis suivra Léonard Autié, coiffeur de la Reine. On retrouve des coiffures assez hautes jusqu’à l’accouchement de Louis-Joseph, fils de la Reine où celle-ci perdit ses cheveux. Son coiffeur Léonard lui conçoit alors une coiffure plus naturelle, inspirée de l’Uranie, qui devient la coiffure à l’enfant. C’est également à partir de cet évènement que les coiffures ne seront plus en hauteur mais en largeur. Après la Révolution Française et l’arrivée de Napoléon Bonaparte au pouvoir, on redécouvre la sobriété pour proclamer un monde nouveau tout en s’inspirant de l’Antiquité. Le XIX°s voit l’avènement de la bourgeoisie et du style bourgeois et romantique : les cheveux sombres et un teint pâle voir maladif (comme le personnage Marguerite Gauthier du livre La Dame aux Camélias). Les dernières périodes représentées dans l’exposition sont la Belle Époque avec des influences cubistes et l’abstraction qui marque le début d’une nouvelle ère avec des franges, des chignons ainsi que des cheveux avec beaucoup de volume.
L’exposition se termine en beauté avec les Années Folles et ses deux tendances : une coiffure stylisée avec une coupe au carré accompagnée d’une frange courte style « Louise Brooks » ou une coiffure floue blonde style « Marlène Dietrich ».
Guidée par l’esprit et par l’idée, cette exposition est un hommage à la Beauté éternelle tout autant qu’une promenade culturelle et esthétique à travers l’Histoire.
Anne-Laure FAUBERT et Tiphaine LATROUITE