Pour célébrer le centenaire de la naissance d’Irving Penn (1917 – 2009) le Grand Palais organise une rétrospective de son œuvre en partenariat avec le Metropolitan Museum of Art de New York. L’artiste au style reconnaissable grâce à une composition minimaliste associée à un usage quasi systématique du noir et blanc, a su s’imposer comme l’un des plus grands photographes du XXe siècle.
Il débute sa carrière comme photographe de mode dans le cadre d’une collaboration avec le magazine Vogue. Il en devient assez rapidement la coqueluche et réalise plus de 150 couvertures au cours des 50 années qui suivirent. Irving Penn est surtout célèbre auprès du grand public pour ses portraits de personnalités majeures du monde de la culture, de la mode et du cinéma et pour ses photos de mode.
Cette exposition nous invite à découvrir une facette moins connue de son travail, qui traite des petits métiers, des nus ou encore des cigarettes.
En effet, ce qui est surprenant dans le travail d’Irving Penn c’est cette oscillation constante entre la simplicité et le raffinement figé. De ses premières natures mortes en 1947, à sa collaboration avec Issey Miyake en 1999, le photographe met en scène ses modèles (humains ou objets) avec une précaution extrême. Ainsi derrière une apparente simplicité due à une mise au point et à un cadrage au plus près du sujet, on imagine les heures de préparation, de pause et de scénographie nécessaires pour parvenir à une telle précision. Cette dichotomie se retrouve, de la composition de ses photographies aux choix de ses sujets. Il passe avec aisance des portraits de célébrités : sportifs (Joe Louis), écrivains (Colette, Truman Capote, Carson McCullers, Tom Wolfe …) ou peintres (Dalí, Balthus, Bacon) à des représentations très prosaïques de détritus, car quoi de plus trivial qu’un mégot de cigarette ? On songe alors dans un autre registre au poète français Francis Ponge et au photographe Eugène Atget qui immortalisa à la fin du XIX°s les petits métiers parisiens.
Irving Penn photographie ainsi aussi bien ceux qu’on cherche à voir que ce qu’on refuse de voir, qu’on juge indigne de notre intérêt. Le talent du photographe réside dans cette capacité à rendre beau tout ce qu’il voit, en traitant ses photographies comme des peintures.
La rétrospective met aussi en exergue l’importance du corps dans le travail du photographe. A travers une représentation épurée obtenue grâce à la prise de vue en studio, le modèle est réduit à l’essentiel : un mouvement, une pause travaillée censée révéler la personnalité du sujet (Igor Stravinsky désigne son oreille, Joe Louis serre les poings).
Cet intérêt pour la chair se concrétise grâce à la série de nus féminins qu’il réalise entre 1949 et 1950. Les corps y sont déconstruits et brillamment façonnés par les tirages du photographe.
Finalement, ce qui intéresse Irving Penn c’est de nous raconter des histoires, comme le prouve cette citation à propos de ses natures mortes « une nature morte est une représentation de personnes (…) dans une nature morte, chaque objet doit raconter une histoire humaine, autant que si vous regardiez quelqu’un dans le blanc des yeux. Sinon, une nature morte n’a pour moi que très peu d’intérêt ».
Alice PAILLAT
Anne-Laure FAUBERT