Quand on pense à Bourg en Bresse, c’est souvent le célèbre poulet de Bresse qui vient à l’esprit. On oublie qu’à l’écart du centre-ville subsiste un symbole d’amour éternel: le monastère royal de Brou construit entre 1506 et 1512. Constituée de bâtiments monastiques, qui s’articulent autour d’une église et de trois cloîtres, cette église est un chef d’œuvre du gothique flamboyant, unique en France.
Curieux destin que celui du commanditaire, Marguerite d’Autriche (1480-1530) , fille de l’empereur Maximilien de Habsbourg et petite-fille du dernier duc de Bourgogne, Charles le Téméraire. Instrument politique de son père qui la marie trois fois afin de sceller différentes alliances diplomatiques, elle est mariée à 3 ans, répudiée à 11 ans, veuve à 17 ans avec une fille morte née, puis veuve une 3° fois à 24 ans de Philibert de Savoie. Un 4° mariage n’a pas lieu car elle le refuse, désormais majeure.
Ce monastère symbolise d’ailleurs la prise en main de son destin et son opposition à son père et à son entourage. Elle décide en effet d’ériger un monument à la gloire de son défunt mari (qui au demeurant l’a trompée et laisse lui une descendance).
Un entretien avec l’administrateur du lieu, Pierre-Gilles Girault, nous apprend que Marguerite souhaitait réaliser le vœu de sa belle-mère: restaurer ce petit monastère bénédictin si son mari était sauvé, ce qu’il fut mais c’est elle qui mourut avant. Ce vœu transmis par testament est alors repris par Marguerite de Habsbourg. Il y a également derrière la construction de cet édifice deux volontés politiques: comtesse de Bresse et duchesse douairière de Savoie, elle est aussi héritière du duché de Bourgogne – d’où les toitures qui rappellent les hospices de Beaune et l’omniprésence des emblèmes bourguignons; la croix de Saint André, patron de la Bourgogne, qui trône sur la façade, et le briquet bourguignon que l’on retrouve partout. Elle entend par ce monument rappeler son pouvoir politique.
Ce monastère s’inscrit aussi dans la volonté paradoxale d’instaurer une nécropole royale – trois gisants s’y trouvent, celui de la belle-mère de Marguerite, Marguerite, de Philibert et de Marguerite de Habsbourg – alors qu’il n’y a pas de dynastie puisque pas d’enfant. On note aussi, chemin faisant, que l’architecture des trois cloîtres reflète bien les 3 ordres de la fin du Moyen-Âge.
Loin de vivre uniquement sur son passé, ce monastère situé à 2H en TGV de Paris, est l’objet d’une offre renouvelée et diversifiée: concerts de musique, expositions de photographies… en attendant le circuit de visite renouvelé en 2018 avec l’ouverture des appartements et un spectacle circassien.
Le sons et lumières Couleurs d’amour illumine chaque été la façade de l’édifice ainsi que celles du théâtre de Bourg-en-Bresse et de l’Hôtel de ville. Un spectacle gratuit et court qui permet de prolonger la féérie des lieux.
Enfin, les becs sucrés pourront se rendre en ville pour se procurer l’un des deux thés créés en l’honneur de cette histoire d’amour: un thé noir Pour l’amour de Philibert et un thé vert floral Au jardin de Marguerite. Ayant acheté les deux, j’ai pu les apprécier – le noir pour le matin et le vert pour le midi ou le teatime – et espère qu’ils seront un jour disponibles directement dans la boutique du monastère…
Anne-Laure FAUBERT