Palais Garnier – Lundi 30 mars 2015
Opéra composé en 1885 d’après la pièce homonyme de Pierre Corneille sur une musique de Jules Massenet (1842-1912)
Direction musicale : Michel Plasson – mise en scène : Charles Roubaud – décors : Emmanuelle Favre – costumes : Katia Duflot
Chimène : Sonia Ganassi – L’Infante : Annick Massis – Rodrigue : Roberto Alagna
© Agathe Poupeney/Opéra national de Paris
Marquée par une chute des décors entre deux tableaux, cette représentation fut aussi l’occasion pour le public parisien de réentendre Roberto Alagna et aux spectateurs du palais Garnier de s’opposer sur les principes de respect de la musique. Aux personnes qui applaudissaient pour que les acteurs reviennent plus vite après la chute du décor, d’autres les traitèrent d’ignorants… Ou comment une star fait venir un public à qui il faut rappeler certains codes…
Que dire, que faire, que montrer après Corneille ? La pureté de ses vers semble en effet ne souffrir aucune comparaison et interpréter « Va je ne te hais point », ou « Rodrigue as-tu du cœur » à l’opéra pouvait sembler une gageure.
Si l’opéra souffre de quelques longueurs, il respecte le texte original. Les décors et costumes début XX° de cette production instaurent une profondeur historique intéressante.
Alors que Rodrigue, interprété par un Roberto Alagna dont la profondeur de la voix et le timbre s’affermissent au cours de la soirée, vient d’être nommé chevalier et que le père de Chimène, le Comte de Gormas, vient de donner son accord à celle-ci pour une union avec le jeune homme, un incident survient. Le Roi décide en effet de nommer comme précepteur de l’infant non le Comte de Gormas mais Don Diègue, père de Rodrigue. Ne pouvant s’opposer au Roi – qui rappelle que s’opposer à ses ordres c’est s’opposer à lui – le Comte humilie Don Diègue. Rodrigue en vengeant son père tue celui de Chimène, rendant leur mariage impossible.
Sur cette trame classique tirée de Corneille, Alagna campe un Rodrigue tour à tour cabotin, amoureux éperdu – magnifique « Ô jour de première tendresse » – et autoritaire avec ses troupes dont le tableau d’ivresse donne une bien piètre image de l’armée. L’intervention divine qui lui redonne espoir échappe au ridicule. Dieu et le Roi ne semblent jamais loin dans cette pièce, fidèle à l’image de l’Espagne. Alagna impressionne par son « coffre » qui manque parfois cruellement à certains ténors. On retrouve les scènes de foule chères à Massenet et déjà présentes chez Manon (voir ma critique ici).
Il y a du Gounod dans certains passages, et l’influence du Faust (1859) ou de Cinq Mars (1877) apparaissent dans quelques airs. Les avoir entendu à Versailles (lire ici) pour Cinq Mars et Bastille pour Faust à quelques semaines d’affilée fait ressortir les similitudes et les différences.
Un bel opéra de cap et d’épée à découvrir jusqu’au 21 avril 2015 au Palais Garnier.