Samedi 27 avril 2013 – Palais Garnier – Märchenoper en 3 tableaux (1893)
Musique d’E. Humperdinck (1893), livret d’A. Wette d’après le conte des Frères Grimm
Il y avait quelque chose d’étrange, voire de déplacé, d’appartenir à ce public qui écoutait les lamentations d’Hänsel et Gretel qui, le ventre vide, soupirent après quelque nourriture autre que du pain sec… Comme dans beaucoup d’opéras me direz-vous… Voici déjà ce que j’écrivais en octobre 2011 sur Egisto (1646) où « les serviteurs Zanni et Coviello meurent de faim et l’expriment de façon assez imagée, allant même jusqu’à imaginer leur épitaphe. Cet intérêt pour la nourriture annonce notamment le personnage de Pagageno dans la Flûte enchantée, un siècle et demi plus tard. Des passages très drôles mais qui m’ont mise cependant mal à l’aise : qu’il est facile d’écrire sur la faim quand on est cardinal… »
Un autre aspect surprend dans cet opéra: la mise en abyme opérée par la metteur en scène Mariame Clément: la scène s’ouvre sur une maison de poupée où, à gauche semble se dérouler la vie d’Hänsel et Gretel à la fin du XIX°s alors qu’à droite le conte se déroule en parallèle. Il faut attendre la deuxième partie pour que rêve et réalité se rejoignent.
Cette mise en abyme rejoint celle, originelle, du livret. En effet, si la musique est d’Engelbert Humperdinck, disciple de Wagner, le livret est celui de sa sœur, Adelheid Wette… L’opéra reprend les grandes lignes du conte mais Gretel y apparaît souvent plus mûre et raisonnée que son frère. Un clin d’œil d’Adelheid à son frère Engelbert?
L’opéra Hänsel et Gretel gomme certains aspects du conte: l’oiseau qui guide les enfants jusqu’à la maison de la sorcière disparaît (rappel trop fort pour Humperdinck de l’oiseau guidant Siegfried chez Wagner?), la belle-mère devient ici la mère et elle ne souhaite pas la mort de ses enfants, elle les envoie dans la forêt dans un accès de colère, qu’elle regrette par la suite. Toutefois, certaines ressemblances persistent entre la mère et la sorcière: la chevelure rousse, la corpulence… La sorcière comme double repoussoir de la mère, la sorcière comme promesse pour Hänsel de la découverte de la sexualité…
Les enfants sortent grandis au sens propre et figuré de cette lutte avec le mal et leurs peurs… Un conte initiatique qui ravit petits et grands.
La mise en scène est finalement ce qui m’a le plus donné matière à réflexion car elle invite à de multiples interprétations: frontière entre le rêve et la réalité, la « banalité du mal ». La pause d’Hänsel au réveil m’a rappelé le tableau de Füssli Le cauchemar. Quant à l’araignée géante qui trône dans sa chambre chez la sorcière, elle renvoie selon moi au tableau L’araignée souriante d’O. Redon.
Les décors et costumes de Julia Hansen retranscrivent bien cette atmosphère fin de siècle où ordinaire et merveilleux se côtoient…
Daniela Sindram interprète un Hänsel au début de la puberté quand Anne-Catherine Gillet campe une Gretel à la fois espiègle et décidée.