Cosi fan tutte: au-delà du marivaudage, une pièce sur les comportements humains…

Disons-le d’emblée, Cosi n’est pas mon opéra préféré  de Mozart. Il provoque chez moi le même effet que Tosca: la fuite…

Je m’étais toutefois raisonnée: la mise en scène d’Ezio Toffolutti m’intriguait et je souhaitais écouter Karine Deshayes. J’étais donc hier après-midi à l’Opéra Garnier. Un public moins habillé que d’habitude: je n’ai jamais vu autant de shorts dans cette vénérable institution…

L’argument est le suivant: La scène s’ouvre sur une île proche de Venise où Don Alfonso (William Shimell), philosophe d’âge mur, parie avec deux jeunes officiers Ferrando (Matthew Polenzani) et Guglielmo (Paulo Szot), qui se vantent de la fidélité de leurs fiancées, que celles-ci peuvent changer de sentiment à leur égard. Il invente alors un stratagème : les jeunes hommes sont appelés à la guerre et Dorabella (Karine Deshayes)et Fiordiligi (Elsa Van den Heever) se retrouvent seules. Surgissent alors 2 Albanais ( les 2 jeunes hommes déguisés) qui entreprennent de leur faire une cour assidue et grotesque: ils se vantent ainsi de la beauté de leur nez, de leurs moustaches (allusion coquine implicite), de leurs jambes… En une journée, la fureur des jeunes femmes se transforment en amour… Il est vrai que Don Alfonso est aidé dans son entreprise par Despina (Anne-Catherine Gillet), la soubrette des jeunes femmes, et que les « Albanais » simulent un suicide par empoisonnement… La scène où le médecin (Despina en réalité) les ramène à la vie n’est pas sans rappeler, par sa dérision, Le Médecin malgré lui de Molière… On rit beaucoup dans cet opéra bouffe. Les lamentations des jeunes femmes du début, forcément exagérées, sont d’autant plus drôles si l’on connaît la fin.

Cosi a en fait un côté très cornélien: respect des unités de temps ( 24 heures), d’action et de lieu – rappel du théâtre classique, véritable dilemme moral de Fiordiligi, douleur des fiancés trompée.

Le recul et l’ironie, incarnés par Don Alfonso, qui n’est pas sans rappeler, par son rôle d’éducateur, Zarastro dans La flûte enchantée, nous rappellent régulièrement la petitesse des comportements humains.

Sous son apparent marivaudage cette pièce pose des questions plus profondes. Est-ce seulement par ennui que les jeunes femmes cèdent? Ou est-ce parce que les « Albanais », sous couvert du déguisement, se permettent une cour que deux jeunes officiers ne pourraient jamais entreprendre? N’était-ce justement pas ce genre d’expériences sortant de l’ordinaire qu’attendaient Dorabella et Fiordiligi, comme le fait d’être emmenées masquées à le rencontre de leur soupirant, dans une mise en scène rappelant les fêtes galantes de Watteau?

Don Alfonso, véritable double de l’artiste puisque c’est lui qui souffle l’idée du subterfuge, fournit les costumes, musiciens… – véritable opéra dans l’opéra –  permet en outre au compositeur d’être représenté sur scène.

Cosi m’a donc intéressée par sa profondeur sous des dehors frivoles. Je n’ai cependant pas été séduite: concernant les chanteurs présents hier, Anne-Catherine Gillet était excellente, tant par sa présence scénique que par la pureté de sa voix… La mise en scène d’Ezio Toffolutti rappelait à la fois les tableaux d’Hubert Robert pour les arcs antiques, Greuze pour les costumes et Watteau pour la promenade et la présence de bossus masqués habillés de blanc. Je l’espérais cependant plus chatoyante, à l’image de ce que fait Coline Serreau.

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