Pour fêter dignement les 400 ans de la naissance de Molière, la ville de Versailles lui consacre jusqu’au 17 avril 2022 une exposition très intéressante à l’Espace Richaud, dans une scénographie onirique, scénique et érudite, ajoutant une pierre de plus à l’édifice moliéresque initié il y a 26 ans avec la création du festival du mois Molière, et il y a plus de 350 ans lorsque Molière interprétait notamment au château de Versailles « Le Prince jaloux », « L’école des maris », « Les fâcheux »…

Jean-Baptiste Poquelin (Paris 1622- Paris 1673), dit Molière, appartient à l’imaginaire collectif français et international (« la langue de Molière ») et demeure le dramaturge de langue française le plus lu, joué et traduit dans le monde, alors que de nombreuses zones d’ombre persistent sur sa vie. Devenu au fil du temps une gloire nationale son héritage a perduré, quelque soit le régime. La République l’a ainsi repris à son compte, laissant de côté le lien fort qui unissait Louis XIV et Molière.

L’exposition, en essayant de « détricoter » le mythe, laisse également de côté ce qui était attendu de Versailles et Molière – les comédies ballets de Molière, et opère un triple décentrement en déconstruisant la légende, abordant tous les aspects de la personnalité de Molière qui n’était pas uniquement un dramaturge mais également un metteur en scène, un directeur de troupe et une « star » adulée ou détestée de son vivant, et traitant les rapports des anciennes colonies françaises avec l’homme de lettres et son œuvre.
Si « décaper un mythe » a quelque chose de douloureux, l’exposition a le grand mérite de montrer Molière dans son temps avec des maquettes, costumes s’appuyant sur l’inventaire après décès du notaire et rappelle que le prix d’une entrée à une pièce de théâtre correspondait à une journée de travail d’un artisan. Elle évoque ensuite sa postérité, tant à la Comédie française où il reste le saint patron de la maison, qu’avec ses successeurs qui s’excusent presque de continuer à faire du théâtre après lui.
Cette exposition fouillée donne un regard nouveau sur cet artiste complexe.
Anne-Laure FAUBERT