L’ouverture de la Bourse de Commerce Collection Pinault en mai 2021 était l’événement culturel du printemps à ne pas rater… Raison pour laquelle j’ai préféré ne pas en parler tout de suite… Trop d’articles écrits sur ce lieu… L’ayant revisitée le premier décembre, j’ai trouvé la Rotonde changée… et le geste artistique de Urs Fischer intéressant.
À l’emplacement de l’actuelle Bourse de Commerce se trouvait jusqu’au XVIIIe siècle un grand hôtel particulier, l’Hôtel de Soissons, racheté en 1572 par Catherine de Médicis, venue s’installer dans ce quartier à la suite d’un oracle lui prédisant sa mort près de Saint Germain. Il en reste une colonne intégrée à l’actuelle Bourse de Commerce. L’architecte Henri Blondel fit ensuite transformer l’ancienne Halle au blé en Bourse du commerce, modifia la coupole en fonte et verre et fit maçonner la partie inférieure en brique. L’ensemble fut inauguré le 24 septembre 1889.


Restaurée et transformée par l’architecte japonais Tadao Ando, l’agence NeM / Niney et Marca Architectes, et l’agence Pierre-Antoine Gatier l’actuelle Bourse de Commerce Collection Pinault présente, par roulement, un ensemble de plus de 10 000 œuvres de près de 350 artistes – peintures, sculptures, vidéos, photographies, œuvres sonores, installations, performances… des années 1960 à nos jours. L’absence de département de conservation rappelle qu’il s’agit d’une collection, et non d’un musée.
Si la réplique en cire, dans la Rotonde, de L’Enlèvement des Sabines de Giambologna par Urs Fischer – Untiled, 2011 – m’avait laissée perplexe en mai, elle est désormais en partie fondue et interroge sur notre rapport au temps. Les autres objets de la rotonde – reproductions de sièges d’avion ou de chaises africaines artisanales – sont également abîmés par l’action du feu, qu’ils soient des produits de la standardisation de notre société et produits en masse, ou au contraire l’émanation d’une culture locale.

La rotonde devient alors une agora où se rencontrent les visiteurs et nous invite, par ces œuvres en résonance avec l’iconographie du panorama de la coupole qui évoque le début de la mondialisation, à nous interroger sur notre société, nos déplacements, notre conception du voyage. Sommes-nous comme certaines personnes plus intéressés par le voyage pour aller d’un point A à un point B sans réel intérêt pour le pays visité? Ou au contraire, nous arrêtons-nous sur le pays visité?

La présence de pigeons naturalisés dans cette rotonde rappelle à la fois les pigeons voyageurs, les Oiseaux d’Hitchcock, mais également les volatiles qu’on pouvait apercevoir avant la rénovation du lieu. En faisant entrer l’extérieur à l’intérieur par cette œuvre discrète, c’est notre rapport à l’espace qui est interrogé.

Les vitrines, destinées en 1889 à exposer des objets manufacturés, sont réinterprétées par Bertrand Lavier qui y expose des objets de grande consommation et interroge sur la question de la valeur marchande: la montgolfière n’est pas uniquement un objet d’échange mais devient un objet d’art digne d’être vu. L’artiste nous invite ainsi à réfléchir à ce qu’est une œuvre d’art.

Les œuvres de David Hammons comme le panier de basket en cristal et métal rouillé interrogent sur les limites du rêve américain puisqu’on ne peut ni jouer avec – il est trop fragile – et que le rond du panier est rouillé. Les œuvres de Rudolf Stingel interrogent elles sur le regard puisqu’en jouant sur les effets de la photographie – le flou, le noir et blanc – elles s’avèrent en réalité être des peintures.
La Bourse de Commerce Collection Pinault interroge ainsi en creux sur ce qu’est une Collection, quels moteurs anime le collectionneur. J’ai à titre personnel préféré la restauration du lieu qui permet de magnifiques points de vue et photos sur le bâtiment aux œuvres en elles-mêmes.
Anne-Laure FAUBERT