Margiela 1989-2009 au Palais Galliera: qu’est ce que créer dans l’univers de la mode?

La rétrospective Martin Margiela s’ouvre sur deux lieux. Bientôt, Margiela les années Hermès aux Arts Décoratifs, mais déjà, au Palais Galliera, Margiela 1989/2009.

Et celle-ci est d’une grâce telle qu’il nous faut la revoir, encore. 

Gilet porcelaine
Martin Margiela, gilet, Automne-hiver 1989-1990
47 éclats de porcelaine et faience. Fil de métal argenté. Fil de métal noirci
Martin Margiela, waistcoat, Fall-winter 1989-1990
© Julien Vidal / Galliera / Roger-Viollet

Martin Margiela en réalise lui-même la mise en scène : dans chacune des pièces du musée, les vêtements sont remis dans le contexte de l’époque. On songe dès l’arrivée au Palais, face à cette scénographie en blanc et destroy, aux premières salles de la sublime exposition Alexander Mac Queen « savage beauty » à Londres en 2015, commentée ici sur ce site.

Sur le fond blanc caractéristique de sa maison, les iconiques chaussures Tabi sont confrontées aux JTs d’époque.

Ensemble (accessoires). Paire de semelles de tabis
Martin Margiela, semelles « tabi », Printemps-été 1996
Cuir noir
© Françoise Cochennec / Galliera / Roger-Viollet

Les anecdotes décrivent les techniques utilisées, les manières inventées par le créateur. Son absence physique, qui était une de ses signatures (il n’y a ni photo ni enregistrement de sa personne), est compensée par l’abondance de réponses qu’il donne au cours de ce voyage dans sa pensée.

Margiela ALF
Vestes inspirées de la Renaissance – Photo: Anne-Laure FAUBERT

 

Il y a sur chaque tableau de l’exposition les sentiment et les émotions qu’il a ressentis et ils se revivent devant nous. Margiela explique ses obsessions : les proportions, la construction et déconstruction du vêtement. Déjà dans les années 0, il recycle : il crée des collections entières avec des fripes, des trouvailles. Teindre, surteindre, découper, scotcher, essayer, repenser. Le geste fait scandale, puis s’impose jusqu’à donner une ligne qui défilera pendant la semaine de la Haute Couture. Un processus qui invite à réfléchir à ce qu’est la création dans la mode. Est-ce partir d’une page blanche ou au contraire comme le fait Margiela, reprendre des habits ayant déjà vécu? 

En avançant dans les salles et le temps, passent les musiques de Yoko Ono, Minnie Ripperton, Peaches ou Tarentel, en fond sonore, comme une toile. Les musiques qu’il écoutait, celles des défilés. Dans les vidéos réalisées avec ses amies, ses mannequins fétiches, se décrit aussi le parcours d’un homme, comment il traverse son époque. On lit des coupures de journaux. Devant des studios de fans reconstitués, peints en blanc en adoration, des studios pleins de vêtements Margiela, de K7 audios, de posters, des bibelots désuets, nous sommes nous-même entièrement dans ce réel du passé. Tant d’objets disparus, alors qu’ils ont été des talismans.

Ensemble (habillement)
Martin Margiela, veste-perruques et postiche, Automne-hiver 2008-2009
(collection « Artisanal »), puis Printemps-été 2009
Cheveux synthétiques blonds, taffetas ivoire
© Stéphane Piera / Galliera / Roger-Viollet

 

On découvre son processus créatif, on en redécouvre les résultats dans un dédale délicieux qui nous transporte dans un état fait d’admiration, d’excitation et d’enthousiasme.

L’expostion Margiela est une master class. Une leçon de singularité et de sincérité. Une leçon d’explorations et de révélations.

 

“Vingt ans, quarante défilé et que reste-il ?” Cette phrase a été imprimée sur le programme de son dernier défilé. Il reste, sans doute, cela. La force de l’imaginaire. 

 

Raphaël BOUBOUTOU et Anne-Laure FAUBERT

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