Artiste inclassable, Mariano Fortuny (1871-1949) est à la fois peintre, graveur, photographe, designer, inventeur et couturier. Ce n’est pas un homme de son temps il semble avoir appartenu à une autre époque.
C’est un homme de la Renaissance pour qui tous les arts doivent être complémentaires. Cette curiosité se traduit, au delà de l’éclectisme de ses domaines de travail, par la très grande diversité de ses références. Il puise ainsi dans toutes les époques et sur tous les continents. L’exposition qui se tient au Palais Galliera du 4 octobre 2017 au 10 janvier 2018, se focalise sur la carrière de couturier de l’artiste, mais ses violons d’Ingres ne sont pas oubliés puisqu’on peut y découvrir des tableaux, des brevets d’inventions ou encore des objets dessinés par Fortuny.
Son intérêt pour la Grèce est sûrement sa source d’inspiration la plus intéressante et la plus féconde. L’aurige de Delphes, bronze de l’époque classique (env. 470 av. J-C) découvert en 1896, est à l’origine de sa création la plus célèbre : la robe Delphos. Le drapé du tissu, la ligne épurée, les plissés ondulés … tout dans ce costume rappelle l’antique.
Le châle Knossos lui tire son nom du mythique palais de Minos, dont l’explorateur Sir Arthur John Evans entrepris la fouille en 1900. Cependant, cette attirance pour la Grèce s’inscrit aussi dans le philhellénisme du XIX°s, déclenché par la guerre d’indépendance entre les Grecs et les Ottomans (1822-1830). Byron, Chateaubriand, Hugo … autant d’auteurs qui prennent fait et cause pour « la mère de la civilisation ».
Le Moyen-Age puis la Renaissance vont aussi nourrir l’imaginaire du couturier : les longs brocards de velours et les imprimés aux animaux fantastiques (têtes de griffons, dragons …) rappellent la grande époque des marchands vénitiens.
Les Abaïas aux imprimés orientaux (motifs végétaux tirés des tissus perses sassanides) s’inspirent de l’art islamique. Enfin, ses kimonos vendus par la maison Babani s’inscrivent parfaitement dans la vogue du japonisme qui marque le début du XXe siècle. Ainsi du haut du palazzo Pesaro-Orfei, palais vénitien où il a installé son atelier, Fortuny fait voyager ses riches clientes dans un autre temps, une autre culture.
Cependant si ses inspirations proviennent souvent du passé, Fortuny est incroyablement moderne dans les techniques utilisées; c’est un inventeur né, il va déposer pas moins de 25 brevets. Ainsi, l’œuvre de Fortuny est soutenue par cette tension entre innovation visionnaire et son goût pour l’ancien. « Eclectisme » est sûrement le terme qui qualifie le mieux le travail du créateur et le syncrétisme qu’il opère s’affirme comme intemporel.
Mariano Fortuny marque aussi son époque: Marcel Proust le cite dans la Recherche, les danseuses comme Anna Pavlova se parent de ses robes et Isadora Duncan fait faire pour sa fille une robe Delphos pour enfant.

Une influence qui perdure aujourd’hui dans certains modèles de la maison Valentino.
Alice PAILLAT
Photographies: Anne-Laure FAUBERT