Jusqu’au 23 janvier 2017 le Centre Pompidou consacre une rétrospective au peintre belge René Magritte (1898- 1967) sous un angle inédit afin de « sortir » ce peintre du surréalisme, étiquette qui lui reste souvent accolée.
Le titre de l’exposition « la trahison des images » fait référence à la fois au mythe de la caverne de Platon, à la tradition judéo-chrétienne de méfiance par rapport aux images, dont l’origine remonte notamment à l’épisode biblique du Veau d’or qui contraint Moïse à détruire les tables de la Loi qu’il vient de recevoir de Yahvé et au tableau éponyme peint par Magritte en 1929 qui représente une pipe.
À l’art de Magritte sont associés des motifs (Rideaux, Ombres, Mots, Flamme, Corps morcelés..), que le peintre agence et recompose au fil de son oeuvre. L’exposition replace chacun de ces motifs dans la perspective d’un récit d’invention de la peinture, de mise en cause philosophique de nos représentations : aux rideaux, l’antique querelle du réalisme qui prit la forme d’une joute entre Zeuxis et Parrhasios ; aux mots, l’épisode biblique de l’adoration du veau d’or qui confronte la loi écrite et les images païennes ; aux flammes et aux espaces clos, l’allégorie de la caverne de Platon ; aux ombres, le récit de l’invention de la peinture relatée par Pline l’ancien.
Si pour certains Magritte semble très terre à terre, cette exposition permet d’en savoir davantage sur ses références littéraires et artistiques, souvent très poussées. Ainsi apprend-on que Lautréamont écrivit en 1874 dans Les Chants de Maldoror « Beau comme la rencontre fortuite d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table de dissection ». En 1923, confronté à la reproduction du tableau de Giorgio de Chirico, Le chant d’amour, Magritte découvre cette esthétique du choc et de l’arbitraire, caractéristique de la beauté surréaliste. Au parapluie et à la machine à coudre, se sont substitués un gant de caoutchouc rouge et le moulage en plâtre du profil d’un dieu grec.
A partir de 1927, Magritte réalise ses premiers tableaux de mots, dans lesquels il confronte l’image d’un objet et une définition écrite n’entretenant avec lui aucune relation logique. Ce qui pourrait apparaître comme une déclinaison possible du beau cher à Lautréamont ouvre en réalité un chapitre nouveau de la peinture de Magritte.
Les tableaux de mots engagent une réflexion complexe sur les images et les mots, et leur adéquation aux objets qu’ils représentent, remettant en question la hiérarchie établie depuis Platon entre la philosophie, la poésie, la peinture et les images.
J’ai personnellement beaucoup apprécié cette exposition – alors que je ne suis pas une adepte de Magritte – car elle met en perspective cet artiste dans l’histoire de l’art et incite à la réflexion sur les objets qui nous entourent et leur signification réelle.