Ce n’est jamais l’enfant qui commande le portrait qu’on fait de lui. Cela semble une évidence, mais garder ce constat à l’esprit pendant la durée de l’exposition permet de mieux comprendre l’évolution des mentalités sur cet être longtemps considéré comme un adulte en miniature sali par le péché originel.
Cette exposition inédite retrace ainsi l’histoire du statut de l’enfant du XIV°s au XX°s en France, du Fils de Dieu aux enfants peints par les Impressionnistes.
Anonyme – Portrait du futur Louis XIV, enfant – xviie siècle
Photo © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot
On représente en effet d’abord Jésus – mini adulte puis enfant – avant de s’intéresser à l’enfant Roi, appelé à régner et monarque de droit divin. Ainsi lorsque Louis XIV est représenté, ses bijoux royaux (notamment l’ordre du St Esprit) permette,t de le distinguer d’un enfant de la noblesse puisqu’il est peint sans couronne. En des temps où la mortalité infantile est importante, le frère du Dauphin, Philippe de France, est aussi représenté, symbole de la continuité dynastique. Une pérennité familiale que l’on retrouve aussi dans la noblesse comme cette représentation de la famille Habert de Montmor.
Ecole française 1re moitié du XVIIe siècle, aussi attribué à Philippe de Champaigne
Portrait de la famille Habert de Montmor – Photo © Château de Sully-sur-Loire
La représentation de l’enfant dans la peinture suit l’évolution de la société: avec les Lumières, l’enfant devient un sujet et l’Etat, l’Eglise et la médecine se penchent sur son berceau. Les enfants qui meurent sont des soldats en moins…
Les femmes sont peintes en train d’allaiter, les hommes représentés comme pères…
Jacques-Fabien Gautier-Dagoty – IVe tableau représentant la femme enceinte
1740-1785 – Photo © Christian Baraja
Une peinture m’a particulièrement émue – en même temps ma »copine » au Louvre quand j’étais enfant était une peinture de l’école anglaise représentant une petite fille mélancolique – celle de Louise-Marie de Bourbon, fille légitimée de Louis XIV et Marie de Montespan, décédée à 5 ans loin des siens. Sur cette peinture rien ne laisse entendre que le portrait est posthume… si ce n’est la montre arrêtée et la bulle de savon, symbole du caractère éphémère de la Vie…
Pierre Mignard : Louise-Marie de Bourbon, duchesse d’Orléans, dite Mademoiselle de Tours – Vers 1681-1682
Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
Photo © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin
Une section m’a touchée: celle consacrée au XIX°s et notamment aux enfants des milieux défavorisés. Loin des images pittoresques des frères Le Nain au XVII°s, au XIX°s c’est l’enfant du peuple, celui qui travaille et qui dort dans la rue,qui est représenté de façon très réaliste… alors que sur le mur d’en face les enfants de la bourgeoisie jouent paisiblement. Si rien en soi n’a changé – hélas – depuis le Moyen Âge, la fin du XIX°s voit l’émergence de lois visant à lutter contre la maltraitance enfantine dont la prostitution.
Fernand Pelez: Un Martyr. Le marchand de violettes – 1885
Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris – Photo © Petit Palais / Roger-Viollet
De sujet, l’enfant devient également au XX°s le fondement de l’art de certains artistes qui s’inspirent du style enfantin pour leurs œuvres. Ainsi, en 1945, Picasso déclare devant une exposition de dessins d’enfants: « quand j’avais leur âge, je dessinais comme Raphaël, mais il m’a fallu toute une vie pour apprendre et dessiner comme eux ».
Jusqu’au 3 juillet 2016 – L’art et l’enfant chefs d’oeuvre de la peinture française – Cézanne, Chardin, Corot, Manet, Matisse, Monet, Morisot, Renoir, Picasso… Musée Marmottan Monet