Fragonard (1732-1806) apparaît souvent comme le peintre de l’amour et du libertinage, symbole d’un XVIII°s souvent réduit à cette facette…
Et pourtant, la peinture amoureuse, quoique centrale, ne concerne qu’un vingt-cinquième de la peinture de ce peintre heureux en ménage depuis son mariage en 1769 avec la peintre Marie-Anne Gérard (1745 – 1823), contrairement à son contemporain Greuze dont les déboires amoureux sont connus de ses contemporains.
Aucune exposition n’avait eu lieu à Paris sur Fragonard depuis celle du Louvre en 1988 où le conservateur Pierre Rosenberg avait occulté la partie amoureuse.
Pour comprendre la peinture amoureuse de Fragonard, né en 1732 à Grasse et parisien ensuite dès l’âge de 6 ans, il faut remonter au XVII°s, à sa carte du Tendre et à L’Astrée d’Honoré d’Urfé.
Maître de Fragonard, Boucher peint des bergers habillés de soie, et des moutons tellement propres qu’ils semblent shampouinés et font penser à ce qui sera plus tard le Hameau de la Reine à Versailles. Une vision idéalisée de l’Arcadie et de la vie des bergers…
Fragonard se différencie de Boucher par des couleurs plus vives et un jeu avec le spectateur qui devient partie prenante de certains tableaux comme Le collin maillard où la jeune femme aveuglée par un bandeau peut tomber dans nos bras si elle avance.
Jean-Honoré Fragonard, « Le Colin-Maillard », vers 1754-1756,
huile sur toile, 116,8 x 91,4 cm, Toledo, toledo Museum of Art,
don Edward Drummond Libbey, © Toledo Art Museum
Le XVIII°s se caractérise par la montée en puissance de l’individu et du libertinage avec la consommation de l’amour et la création des boudoirs. Par ailleurs se développe entre 1750 et 1770 le langage poissard, celui des Halles et de la nature prise sur le fait.
On retrouve ce style dans les tableaux de Fragonard avec ses scènes villageoises et ses illustrations des Contes de La Fontaine, contes pour adultes où les scènes amoureuses voire de viol posent la question du consentement féminin. En effet à cette époque, les traités médicaux disent que les femmes ont du plaisir pendant le viol et l’outrage est fait au père ou au mari. Si Fragonard peint des scènes érotiques, il ne va jamais jusqu’à la pornographie et suggère certaines scènes par des détails comme les vêtements voyants de la prostituée du jardin des Tuileries. La femme tient en effet une place centrale dans son oeuvre.
Le fameux tableau du Verrou, affiche de l’exposition, appelé un temps Le viol, continue d’agiter la critique. Si certains éléments comme la pomme (le péché), le bouquet de roses (la perte de la virginité) sont sans appel, la question de l’interprétation reste entière: avant ou après ? Le verrou pose à nouveau la question du consentement féminin. Assiste-t-on à un viol avec l’homme qui pousse le verrou pour fermer la pièce, ou à une scène galante ? Pour vous faire votre propre idée, direction le Musée du Luxembourg !!
Jusqu’au 24 Janvier 2016