Jusqu’au 16 juillet 2023 la Conciergerie, davantage connue pour avoir servi de prison à Marie-Antoinette, accueille une exposition très intéressante et gourmande « Paris, capitale de la gastronomie, du Moyen-Âge à nos jours », dans la salle des Gens d’armes qui servait de réfectoire à l’époque médiévale.

L’exposition est décomposée en 5 sections:
1. Paris reçoit
Cette partie explore le rôle de Paris, capitale politique, dans le rayonnement de la gastronomie française, en s’appuyant sur 7 grands banquets: celui du 6 janvier 1378 offert par le roi Charles V à l’empereur romain germanique Charles IV; celui du 19 juin 1549, festin offert à Catherine de Médicis par la municipalité parisienne au Palais épiscopal; celui du 30 janvier 1687, repas offert à Louis XIV par la municipalité parisienne à l’Hôtel de Ville; celui du 2 avril 1810, festin du mariage de Napoléon Premier et Marie-Louise au Palais des Tuileries; celui du 22 septembre 1900, Banquet des maires de France à l’occasion de l’Exposition universelle; celui du 10 avril 1957, Dîner d’Etat au Musée du Louvre à l’occasion du premier voyage officiel d’Elizabeth II en France et enfin celui du 30 novembre 2015, Déjeuner des chefs d’Etats pour la conférence mondiale sur le climat (COP21) au Bourget.
J’ai trouvé intéressant de voir comment Paris recevait ses hôtes et établissait son prestige ainsi que l’évolution des mets et des menus à travers les âges: en 1378 il y avait du civet d’huîtres; en 1900, 22 000 repas avaient été servis en 1h30 par Potel et Chabot avec un menu débutant par une recette parisienne avant de montrer les influences régionales; en 1957 est servi à Elizabeth II un « hérisson périgourdin au nid » boule de foie gras hérissée de lamelles de truffe qu’accompagne une brioche dissimulant un cœur de foie gras et piquée d’amandes effilées. Ce met lui était servi à chacun de ses voyages officiels en France. Enfin, en 2015, la viande rouge et de porc sont absentes du menu, tandis que le menu se veut régional: une soupe freneuse fait référence à la cuisine parisienne, le dessert est un Paris Brest aux clémentines corses…
2. Le Ventre de Paris
Le parcours se poursuit par le « Ventre de Paris », titre tiré du fameux livre d’Emile Zola (1873) qui dresse le portrait des grandes Halles nouvellement construites par Victor Baltard sous la forme d’un immense estomac. La capitale est en effet vue depuis le Moyen Âge comme dotée d’un appétit croissant qu’il faut satisfaire. Dans une scénographie qui rappelle les Halles Baltard cette section de l’exposition nous montre aussi bien le manuscrit de Zola avec la métaphore du ventre de Paris qu’un tableau Symphonie des fromages en Brie majeur en 1888 de Marie Jules Justin, ou le succès de l’asperge d’Argenteuil servie notamment à Nicolas II de Russie lors de son sacre en 1896.

3. Le restaurant une invention capitale
Dans cette troisième section, que j’ai beaucoup aimée pour son côté ludique, le visiteur est invité à découvrir le récit de l’invention du restaurant et de son extension, du Palais Royal aux grands boulevards, puis au reste de la capitale, en passant des grandes tables, à celles des bistrots ou encore par les cabinets particuliers et le bouillon restaurant, autant de lieux mythiques de la restauration parisienne. Outre la reconstitution d’un bistrot, on y découvre la carte du restaurant des frères Very (installé au Palais Royal à la fin des années 1780), probablement la plus ancienne qui soit conservée. L’utilisation de telles cartes, indiquant les plats disponibles et leur prix, constitue l’une des innovations du restaurant et l’un de ses traits distinctifs.

4. Pain et pâtisserie, Paris sur le devant de la scène
Cette section ravira selon moi les becs sucrés ; ) Du millefeuille au croissant, en passant par le macaron, le paris-brest et la baguette, Paris peut se prévaloir d’avoir engendré de nombreuses spécialités ainsi que d’avoir vu naître Antonin Carême, « le roi des chefs et le chef des rois » (1783-1833) comme la grande figure tutélaire de la pâtisserie moderne. On y apprend que la baguette apparait au début du XX°siècle même si les Parisiens sont connus pour leur goût du pain blanc dès l’Ancien Régime. A défaut de déguster une pâtisserie, les gestes pâtissiers apparaissent dans une vidéo produite avec l’aide des chefs Frédéric Bau, Nina Métayer et Yann Couvreur.

5. Paris, terre d’affluences et d’influences
L’exposition se termine par la célébration du Paris gastronomique comme carrefour propice aux échanges, aux métissages et à la créativité.
Un voyage dans la gastronomie parisienne, du Moyen-Âge à nos jours dans une scénographie érudite et ludique à la fois.
Anne-Laure FAUBERT