L’exposition 21 rue de la Boétie au musée Maillol jusqu’au 23 juillet 2017

Mardi 20 juin nous avons eu la chance de découvrir la magnifique exposition : 21 rue de la Boétie présentée au Musée Maillol. Elle retrace l’histoire d’un homme : Paul Rosenberg, dont la vie fut intimement liée à l’histoire de l’art ainsi qu’à la « grande » histoire. L’exposition est parrainée par la petite fille de Paul Rosenberg, Anne Sinclair, auteur du livre éponyme, qui a mis à la disposition des commissaires de l’exposition les archives personnelles de la famille.

3.Vue d'exposition_© S. Lloyd
Copyright S. LLoyd

L’exposition présente une soixantaine de chefs d’œuvre ayant transité par la galerie du 21 rue de la Boétie entre 1910 et 1941. Paul Rosenberg cultive son amitié avec des peintres tels que Picasso, qui peignit sa femme et sa fille en 1918. Le voisin des Rosenberg, puisqu’il habite un temps au 23 rue de la Boétie, octroie à l’homme d’affaire un « droit de première vue » sur ses tableaux. C’est à dire qu’il est le premier à pouvoir choisir les tableaux qui seront mis en vente dans sa galerie. Ainsi, grâce à un gout très sûr il va rapidement devenir le principal acteur du marché de l’art parisien.

1.Vue d'exposition_© S. Lloyd
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Picasso n’est pas le seul à entretenir des liens d’amitié avec le marchand, parmi ses plus illustres camarades on peut citer Georges Braque, Henri Matisse, Fernand Léger ou encore Marie Laurencin qui fut la première sous contrat avec la galerie. Outre le statut d’intermédiaire entre le peintre et le public, le travail de galeriste consiste aussi à favoriser les rencontres entre les artistes.

4.Vue d'exposition_© S. Lloyd
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Paul Rosenberg va aussi jouer un rôle important dans l’accès à la reconnaissance de l’art moderne en l’inscrivant dans la tradition picturale française. Il fait cohabiter au sein de sa galerie les peintres modernes aux cotés des impressionnistes (Seurat, Renoir…) pour les faire gagner en légitimité. Cette stratégie s’avère payante. Il attire de plus en plus de riches bourgeois intéressés par les ventes de grands maîtres de la peinture.

7.Vue d'exposition_© S. Lloyd
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De plus pour rassurer sa clientèle il accroche ses toiles modernes dans un intérieur bourgeois, afin de montrer l’effet possible parmi les meubles et les marqueteries. La carrière de Paul Rosenberg est florissante : il ouvre une deuxième galerie à Londres en 1936 et une troisième à New York en 1941 (pressé par l’arrivée des nazis en France).

8.Vue d'exposition_© S. Lloyd
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Les années 1940, période politiquement troublée, vont être compliquées pour la famille Rosenberg. Dès 1933 l’art va servir de porte parole à l’idéologie nazie en Allemagne. Les théoriciens de la doctrine nationale socialiste considèrent que  l’art et, en particulier la peinture, est un élément du Weltansschauung qui doit être soumis à une censure stricte. Parallèlement, l’ascension d’Hitler va conduire à une dévaluation de l’art moderne, qu’il considère selon le terme de Goebbels comme un « art dégénéré ». Le musée Maillol nous montre ici des œuvres représentatives de l’art Allemand promue par les nazis et exposées lors de « la grande exposition de l’art allemand à Munich en 1937 », comme ce tableau d’Alfred Höhn. Dans la même salle, les tableaux de l’art allemand font face à ceux de l’art moderne présentés la même année dans la même ville, lors de l’exposition « Art dégénéré ».

L’ironie du sort voulut que pendant l’exil New Yorkais de la famille Rosenberg, les locaux de la galerie du 21 rue de la Boétie furent réquisitionnés par la Kommandantur pour devenir les bureaux de l’Institut d’Etudes des Questions Juives. Traumatisé par cette spoliation, Paul Rosenberg refusera de réintégrer les lieux à son retour en France. Il fera alors desceller les dalles peintes par Braque qui recouvraient le sol de la galerie, pour en décorer quatre tables qu’il offrira à sa famille.

La lutte contre l’occupant Allemand prit une importance particulière pour la famille Rosenberg. Alexandre le fils de Paul, débarque à Londres en 1940 pour rejoindre les Forces Françaises Libres. Paul lui, résiste à sa façon en refusant d’acheter les œuvres vendues par les nazis lors de la vente de Lucerne, craignant que l’argent versé se transforme en bombe.

L’exposition se termine sur la période d’après guerre, avec le développement de la galerie de New York reprise par le fils Rosenberg et l’organisation d’exposition avec des artistes tels que Nicolas de Staël.

Ainsi même si la seconde Guerre Mondiale a porté un coup au monde de l’art : des milliers d’œuvres furent pillées, échangées et même brûlées, notamment lors de l’autodafé du 27 juillet 1947 au Jeu de Paume,  celui-ci a su se régénérer. Cependant, il ne faut pas oublier que la lutte pour la restitution des œuvres spoliées par les nazis continue encore aujourd’hui. En effet ce n’est qu’en 2015 que la famille Rosenberg a pu remettre la main sur le tableau de Matisse Profil bleu devant la cheminée.

Alice PAILLAT pour Envie d’ailleurs

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