Comme je vous l’annonçais en début de semaine, voici les idées principales d’une conférence organisée hier soir à Sciences-Po sur la poésie avec Yves Bonnefoy.
Né à Tours en 1923, Yves Bonnefoy fait des études de mathématiques et de philosophie. Il fréquente le mouvement surréaliste car il est attentif à l’écoute de l’inconscient. Il s’en éloigne cependant car il se méfie des fantasmes de l’imagination. Loin de se cantonner à la poésie, il écrit des essais sur Rimbaud et Baudelaire, ainsi que des réflexions sur la peinture.
Un mot est revenu très souvent pendant cette conférence: l’unité. Pour lui, la poésie, c’est se mettre en relation avec le monde, retrouver à travers la parole l’unité du monde, la mémoire et l’espérance de l’unité retrouvée.
Il nous invitait hier à réflechir au sens des mots et à projeter, par exemple, dans un poème, ce qu’un arbre ou un fleuve signifiait pour nous, plutôt que d’essayer de comprendre le poème pour lui-même. Il rappelait également que le concept prive le mot de toute sa réalité. Ainsi, l’arbre que nous avons dans notre vie est différent d’un arbre défini dans le dictionnaire. Si nous laissons les mots se perdre dans un discours conceptuel, nous perdons une partie de nous, nous mourrons à nous-mêmes.
Il émettait également une réserve sur la poésie telle qu’elle existe depuis Mallarmé. En effet, auparavant la religion avait, comme la poésie, une notion de transcendance. Avec les Lumières, la religion apparaît comme un « glorieux mensonge » (Mallarmé) et il n’existe plus rien que le nu et le vide. L’impact sur la poésie est fort puisque celle-ci doit alors s’auto-suffire et devenir sa propre transcendance.
Selon lui, dans la poésie moderne, il n’y a rien que du langage. Toute une partie de la poésie moderne est caractérisée par des jeux de mots et perd une partie d’elle-même.
Il nous invitait à écouter notre inconscient qui nous permet d’éprouver notre finitude. Il différenciait cette vision de celle des surréalistes, tournée vers l’intérieur alors que l’écoute de l’inconscient est tournée vers autrui, et donc l’extérieur.
Il concluait en disant qu’on ne peut être dans la poésie que si on transgresse le langage pour aller vers autrui. Ce triangle s’appelle l’amour.
Une très belle conférence qui permettait justement de se reconnecter avec son moi profond, pendant que le poète lisait des passages de ses oeuvres…
Bravo pour ce blog très riche et bien écrit! Je le suivrai désormais.
@ Daniel: merci, ça fait plaisir…
Je ne me permettrai pas de contredire Yves Bonnefoy mais « écouter l’inconscient » me parait assez étrange. Comment peut-on écouter quelque chose qui nous échappe? Ne mentionne-t-il pas sous le nom dl’inconscient l’inspiration?
@Jeanne: oui et non, notre inconscient remonte bien à la surface lors de rêves, face à un feu de cheminée…