Mercredi soir, je me trouvais à l’Opéra Garnier pour voir – enfin – le Bolchoï. Je l’avais raté à Paris lors de sa dernière tournée et à Moscou. Autant vous dire que j’étais impatiente de voir cette compagnie légendaire.
Au programme de cette soirée, le ballet Flammes de Paris inspiré du roman historique Les Rouges du Midi de Félix Gras (1896). Un ballet sur la Révolution française, un ballet d’action donc…
Las, l’intrigue était plate.
L’histoire se déroule durant l’an III de la Révolution, marqué par la prise des Tuileries le 10 août 1792 et la « suspension » du Roi.
Jeanne (Maria Alexandrova), une jeune paysanne, subit les avances du Marquis Costa de Beauregard (Iouri Klevtsov) et doit à son frère Jérôme (Denis Savin) la liberté. Ce-dernier en revanche est emprisonné par les hommes du Marquis avant d’être délivré par la fille de l’aristocrate, Adeline (Nina Kaptsova). Jeanne et Jérôme s’enrôlent volontairement dans l’Armée des Marseillais, en route pour Paris, où se trouve Philippe ( Vladislav Lantratov), dont Jeanne est éprise. La Marseillaise laisse alors place au Palais royal où se joue Rinaldo et Armide devant un parterre de courtisans avant que la foule n’envahisse les Tuileries. Après la proclamation du nouveau gouvernement par la Convention et la joie de la foule qui s’ensuit, l’apparition de la guillotine laisse présager le pire. Voyant son père amené à l’échafaud Adeline se précipite vers lui. Elle est alors dénoncée par une vieille dame, Jarcasse. Le peuple réclamant sa tête, elle est guillotinée, rendant Jérôme fou de douleur.
Même si la chorégraphie a été reprise en 2008 par Alexei Ratmansky, elle reste selon moi fidèle à ses origines: créé en 1932, le ballet a en fait un héros principal: le peuple. Les destins individuels s’effacent à son profit, telle l’histoire de Jérôme et Adeline.
Le peuple – ou la foule – est en effet magnifiquement intreprété: danses auvergnate, basque, marseillaise de l’acte II, danses au son de la Carmagnole ou de « Ah ça ira, ça ira… », foule hargneuse réclamant la tête d’Adeline… C’est un véritable plaisir de voir cette profusion de danseurs et de couleurs.
Certains « idéaux-types » se dégagent:
Jeanne, jeune paysanne en apparence faible, devient une jeune femme énergique, véritable égérie de la Révolution, magnifiquement interprétée par Maria Alexandrova.
De même Adeline montre dès le début une certaine force morale en libérant Jérôme, en s’enfuyant des Tuileries et en allant au devant de la mort. Victime expiatoire de la Révolution, elle donne un peu d’épaisseur à cette fresque. En témoigne son habit, bleu et blanc, ressemblant davantage à celui des Révolutionnaires qu’à celui des courtisans, vêtus de noir et blanc et portant perruque.
Les aristocrates, eux, sont traités de façon manichéenne: ils ne pensant qu’à lutiner ou danser, coupés des réalités. Louis XVI est ridicule dans sa façon de danser, tel une grenouille sautant sur elle-même. Il est incapable de séduire sa femme qui préfère aller voir ailleurs avant d’être rappelée à l’ordre.
Un ballet dont je suis sortie un peu déçue mais ravie quand même d’avoir découvert les quatre danseurs principaux. Il y a longtemps que je n’avais pas vu de tels sauts, une telle façon de danser, de vivre ses pas, de saluer même… Il n’y a rien à faire les Russes savent faire passer ce quelque chose dans leur danse qui manque à d’autres compagnies… замечательное открытие (une découverte magnifique)!!