Les avis des spectateurs étaient partagés ce mardi 17 avril à la sortie de l’Opéra Bastille. Certains seraient bien partis à l’entracte vu la « laideur de la mise en scène de Pagliacci« , d’autres trouvaient que la mise en scène de Cavalleria était « facile ».
Ces deux opéras s’inscrivent dans la mouvance « vériste » italienne de la fin du XIX°s, héritière du naturalisme français. La réalité y est décrite de la façon la plus objective possible. Point d’élan élevé ou de divinité, on s’aime et on se tue comme dans la vie réelle…
Cavalleria rusticana (1890) de Mascagni offre une mise en scène sobre (signée Giancarlo del Monaco): des blocs de pierre blancs où évoluent des hommes en noir (les femmes restent en bas de ces éboulis). Un cliché sur la Sicile conservatrice, catholique et masculine de cette époque…
Turiddu (Marcello Giordano), fiancé à Lola ( Nicole Piccolomini) avant son départ pour l’armée l’a retrouvée à son retour mariée à Alfio ( Franck Ferrari) ; il est alors devenu l’amant de Santuzza (Violeta Urmana) qui l’aime. Lola lui ayant volé son amant, Santuzza raconte tout à Alfio. Cela ne pouvait que mal se terminer et lors du duel entre les 2 hommes, Turiddu est tué.
Santuzza apparaît systématiquement au bas des éboulis, cachée lorsqu’elle ne chante pas, symbole de son statut de paria dans une société conservatrice. Le corps de Turiddu, exposé sur un bloc de marbres, deux femmes à ses pieds, rappelle également le catholicisme.
Je n’ai globalement rien à reprocher aux chanteurs si ce n’est les aigus un peu trop stridents à mon goût de Violeta Urmana (contrairement aux graves, magnifiques) et le manque de finesse de Marcello Giordano, qui selon moi ne chante pas, mais « gueule »..
Concernant Pagliacci (1892) de Leoncavallo, l’histoire est du même accabit: Nedda, mariée à Canio, aime Silvio. Ayant repoussé les avances de Tonio, celui-ci la dénonce à Canio qui tue à la fois sa femme et son amant.
La mise en scène de Pagliacci (même metteur en scène que pour Cavalleria) place l’opéra dans l’Italie de Fellini avec en triple exemplaire la photo d’Anita Ekberg dans La dolce vita. Les rues du village grouillent de vie mais la disposition des foules reste statique, pour ne pas dire traditionnelle.
Je retiens de cet opéra la pureté des sentiments et la beauté de la voix de Nedda (Brigitta Kelle) : intensité de la voix, puissance, jeu scénique. Une révélation pour moi.
Silvio ( Tassis Christoyannis) incarne avec justesse un homme différent de ceux de l’entourage habituel de Nedda: son mari, Canio (Vladimir Galouzine), dont on sent la violence rentrée et la vulgarité de Tonio (Sergey Murzaev), tant par son physique ingrat que par ses actions… Une différence qui ne peut que séduire la jeune femme.
Canio incarne parfaitement le mari blessé par l’adultère mais qui, inconscient de ses propres faiblesses, se laisse emporter par ses pulsions et tue la femme qu’il aime.
Au final, une soirée qui correspondait à mes attentes: découvrir le vérisme et dont je suis ressortie touchée, groggy presque et qui fait réfléchir sur la « banalité du mal »….