J’assistais aujourd’hui au mémoire de fin d’études à l’ESCP de mon ancienne stagiaire, personne que j’apprécie beaucoup.
Ce mémoire traite des effets des subventions sur l’activité d’un opéra. Trois capitales européennes avaient été retenues: Paris (Opéra de Paris et Opéra comique), Berlin (Staatsoper, Deutsche Oper et Komische Oper) et Londres (Royal Opera House et English National Opera). Un travail fouillé, riche mais se heurtant à la dure loi de la recherche de données chiffrées comparables…
Si la conclusion reste assez large, ce mémoire soulève des points intéressants que je voulais vous faire partager (avec l’autorisation de l’auteure ).
– Qu’est-ce que le « socle » d’une politique culturelle? Vaut-il mieux subventionner un opéra, un orchestre ou des moyens d’écoute de CD de grande qualité dans les écoles ?
– Doit-on privilégier une « gestion entrepreneuriale » ou une « gestion spectaculaire »? Le premier type vise à « gérer au plus juste les crédits publics en compressant les coûts ». L’accent est mis sur la démocratisation, une programmation variée et des prix relativement faibles. Le second type cherche à produire des spectacles reconnus au plus haut niveau, nécessitant la présence de stars et engendrant un coût élevé pour « des œuvres difficiles peu appréciées du grand public mais célébrées par une minorité restreinte et par les professionnels ».
– Quel est le rôle du directeur artistique? A ce sujet, un ancien directeur adjoint de l’Opéra de Paris présent à la soutenance, n’était pas d’accord avec la thèse d’un rôle prépondérant. Tous les mélomanes fréquentant l’Opéra de Paris vous diront cependant qu’avec l’ère Joël, les spectacles classiques sont plus présents que sous l’ère Mortier. Concernant le lyrique, on est en effet passé de « 63% de grands classiques en 2008/2009 » à « 79% de grands classiques en 2010/2011 ». En outre, à l’Opéra comique, « la subvention est passée de 6,8 millions d’euros en 2006 à 10,5 millions d’euros en 2007 avec le nouveau directeur artistique, le projet artistique de Jérôme Deschamps nécessitant davantage de moyens ». Bref, le débat reste ouvert.
Ce mémoire m’aura en outre appris les choses suivantes:
– Le cahier des charges imposé à l’Opéra national de Paris par le gouvernement détermine le nombre de créations, de nouvelles productions et de représentations que doit programmer cet Opéra chaque année.
– Une œuvre populaire n’engendre pas forcément des gains pour l’opéra. En effet un opéra de Wagner nécessite un très grand orchestre, entraîne de très longues répétitions et nécessite donc un grand investissement financier.
– L’importance du droit social. En Allemagne, un décor peut être démonté dans la nuit contrairement à la France où la convention collective ne le permet pas…
Bref, la prochaine fois que j’irai à l’Opéra, je verrai le spectacle d’un autre oeil…
Bravo miss!!
Outre les subventions de l’Etat, il y a des théâtres qui obtiennent d’être sponsorisés par de grandes entreprises, comme le Théâtre des Champs Elysées avec la Caisse des Dépôts et Consignations.
Le mécénat prend une place croissante même si on est loin des fondations à l’américaine.
« Une œuvre populaire n’engendre pas forcément des gains pour l’opéra » : il faudrait préciser. En réalité aucune œuvre quelle qu’elle soit n’engendre de gain, même une œuvre très populaire et moins coûteuse que les Wagner. Tout au plus une œuvre parvient à être bénéficiaire sur ses seuls frais de production (cachets des artistes invités, décors/costume/mise en scène), en excluant donc les frais dits fixes (salaires de l’orchestre, maintenance du bâtiment, etc.) qui sont en réalité la grande majorité du coût. Et il faut préciser aussi que le coût par place (et le taux de subvention) d’une représentation à l’Opéra de Paris reste très nettement moins élevé que dans les opéras de province (public moins large avec moins de moyens, salles plus petites, etc.).
Tout à fait d’accord.